« La réforme de l’Ecole en questions » au Ministère de l’Education

Lancée en 2013, la réforme de l’Ecole fait toujours réagir trois ans après. Pour renforcer le dialogue entre les Maires, l’Education nationale et les grands acteurs de l’Education, l’AMIF s’est entourée de spécialistes pour débattre de cette réforme au sein d’un colloque au Ministère de l’Education nationale.

La réforme des rythmes, une réforme décriée mais largement adoptée

La réforme des rythmes scolaires a soulevé de nombreuses débats dans les communes franciliennes et chez les parents d’élèves. Néanmoins, elle semble aujourd’hui faire l’objet d’un relatif consensus. Antoine Destrés, DASEN 1 du Rectorat de Paris, a rappelé que la réforme sur les rythmes scolaires avait, avant tout, pour objectif d’améliorer la performance des élèves français, face à une réalité décevante révélée par l’étude européenne PISA. Pour se faire, la réforme a modifié le temps scolaire, notamment en accordant une demie journée de cours un matin par semaine, afin que les capacités des enfants soient optimales pour apprendre dans de bonnes conditions. Initialement, les petits Français étudiaient 180 jours dans l’année et sont aujourd’hui à 146, soit deux jours de plus que la moyenne européenne. Le DASEN affirme que cette réforme est bénéfique pour les enfants, mais qu’il est nécessaire de placer des cours fondamentaux aux endroits propices, c’est-à-dire ne pas mettre arts plastiques et musique le mercredi matin. Par ailleurs, il salue cette réforme qui a, selon lui, permis de rapprocher les générations par la mise en place d’activités périscolaires, notamment dans les communes rurales. « Il est possible de faire des activités peu coûteuses tout en étant importantes pour le développement de l’enfant telles que les jeux de société ». Cette opinion est largement partagée par la Vice-Présidente du Sénat, Françoise Cartron, qui ajoute que grâce au périscolaire, la violence intramuros et le nombre d’accidents déclarés à la pause méridienne ont baissé. Elle soutient également qu’on ne peut pas affirmer que la réforme a créé des inégalités, mais elle les a révélé. Les collectivités locales ont du faire preuve d’ingéniosité et trouver de nouvelles ressources, en particulier dans les communes rurales. Le patrimoine et l’identité locale sont ainsi valorisés.

Le décrochage scolaire, une priorité pour les élus locaux

La réforme de l’Ecole concerne l’ensemble des enfants et ne doit en oublier aucun. Ainsi, la lutte contre le décrochage scolaire apparaît comme une des priorités de l’Education nationale, mais aussi des Maires franciliens : 76% d’entre eux considèrent que la lutte contre le décrochage scolaire est un combat prioritaire de l’Ecole, après apprendre à lire, écrire et compter. Isabelle Robin, Cheffe de la DRDIE, a rappelé que les municipalités sont les fers de lance dans ce domaine, car la prévention se situe à leur niveau. Un élève décrocheur se précarise au fil du temps et il faut agir dès le plus jeune âge. De plus, ce phénomène représente un coût considérable : 30 milliards d’euros chaque année pour la France. Elle recommande ainsi aux élus d’aider les enfants en mettant en place des actions de prévention. Elle cite, notamment, la lutte contre l’illettrisme ou encore en favorisant la mise en place de parcours aménagés permettant à l’enfant de revenir dans le système scolaire même s’il en est sorti durant quelques mois ou une année. Néanmoins, si ce dispositif se généralise, elle précise que les municipalités n’auront pas l’obligation de prendre en charge les élèves. Un autre moyen de lutte contre le décrochage est le Programme de Réussite Educative (PRE). Ce En Ile-de-France, 112 PRE sont actifs et plus de 200 quartiers prioritaires sont couverts. Serge Fraysse, CGET, estime que le PRE a permis une individualisation des réponses apportées aux difficultés des enfants. Les chiffres le montrent : actuellement, 80% des parcours sont individualisés. Néanmoins, il ne faut pas oublier que le PRE n’est pas un dispositif de soutien scolaire, ni d’accès aux loisirs, ou à l’éducation. Il s’agit avant tout d’une action sur le bien-être psychologique et le comportement des enfants qui connaissent un cumul de difficultés qu’elles soient familiales et scolaires.

Les grands chantiers de l’Ecole de demain

Si tous les enfants doivent pouvoir aller à l’école, la scolarisation des enfants en situation de handicap souffrent toujours d’un manque de moyens matériels et financiers. Bernadette Céleste, ancienne Directrice de l’INSHEA, se félicite de l’inscription dans le texte de loi de l’expression « Ecole inclusive » portée par l’UNESCO. Elle considère que c’est une avancée majeure, mais des progrès doivent encore être réalisés. Elle considère qu’on répond davantage aux peurs des parents, mais pas assez aux besoins des enfants. Elle encourage ainsi les Maires à sensibiliser sur ce sujet, même si elle est consciente que cela n’est pas suffisant.
Si l’accessibilité reste un combat à mener, il doit s’accompagner d’outils. Le numérique fait partie de ces possibilités. En « augmentant l’école », c’est-à-dire en lui apportant une nouvelle dimension, le numérique permet de replacer l’Ecole au centre des intérêts des enfants et de les adapter au monde actuel. Présenté comme un remède contre l’ennui, pour plus d’interactivité, une plus forte implication d’enfants en situation de handicap ou de décrochage scolaire, Jean-Marc Merriaux, Directeur général de CANOPE, considère que les enseignants deviennent de plus en plus des médiateurs. Par ailleurs, il a précisé que la course à l’équipement le plus performant était inutile et qu’il est plus fondamental de trouver les ressources numériques adaptées et de former les enseignants.

La refondation de l’Ecole, au cœur des partenariats

Durant ce colloque un thème phare est ressorti : le partenariat entre les acteurs. Si les tensions persistent entre les différents corps de métiers (ATSEM, enseignants, animateurs, élus), Antoine Destrés a néanmoins salué le travail réalisé pour améliorer la reconnaissance du statut des animateurs et des enseignants.
Concernant plus spécifiquement les collectivités locales, Serge Fraysse a annoncé l’établissement d’une nouvelle circulaire qui donnera la possibilité d’un portage intercommunal du PRE, en précisant qu’il ne sera pas obligatoire et qu’il dépendra de la volonté des partenaires. Pierre Mathiot, Délégué ministériel au parcours d’excellence, résume cette volonté de co-construction de l’Ecole en appelant à « désanctuariser » le système scolaire. L’Ecole reste soumise au délicat équilibre entre ce qui vient du sommet, l’Education nationale, et les remontées du terrain. Il considère qu’il est important qu’un enfant évolue dans un milieu scolaire linéaire, sans rupture entre le passage de l’école primaire au collège et le passage du collège au lycée. Pour permettre cette transition, tous les acteurs doivent être mobilisés.