L’Amif auditionne les candidats à l’Élysée

4 avril 2022

Quelle revalorisation des maires ? Quelle place pour les régions ? Quelle réforme du Grand Paris ? Maxime des Gayets, représentant Anne Hidalgo, Ghislaine Senée pour Yannick Jadot, Philippe Ballard pour Marine Le Pen, Laurent Saint-Martin pour Emmanuel Macron et Alexandra Dublanche représentant Valérie Pécresse, ont répondu aux questions de l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif). D’autres devraient suivre.

Statut et rôle du maire, renforcement de la place de la commune au sein de l’organisation territoriale du pays

« L’actuelle majorité a considéré que les collectivités étaient des sous-traitants de politiques publiques. Ce n’est pas notre vision des choses », estime Maxime des Gayets, représentant Anne Hidalgo. Les socialistes sont partisans de l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques. Un « permis de faire » vise, par ailleurs, « à permettre aux communes d’expérimenter des dérogations aux règles nationales lorsque cela est souhaitable pour atteindre les objectifs définis par la loi ».

Anne Hidalgo souhaite supprimer le contrôle de légalité afin d’affranchir les élus locaux de contraintes qui peuvent ralentir leurs capacités d’actions, remplacé par un conseil aux collectivités, notamment pour les petites communes, et un contrôle a posteriori par les chambres régionales des comptes et les tribunaux administratifs.

Les Verts souhaitent 1,5 milliard d’euros pour les projets durables des communes

Pour les écologistes, « il faudrait proposer de l’assistance technique et de l’ingénierie aux élus locaux via les départements et les intercommunalités ». EELV propose un pacte financier visant à reverser 500 millions d’euros supplémentaires de l’État aux communes. Ghislaine Senée, représentant Yannick Jadot, indique par ailleurs souhaiter voir attribuer aux communes 1,5 milliard d’euros pour les projets durables. « Nous voulons également mettre en place le 1 % démocratie citoyenne. Pour cela, nous sanctuariserons 1 % du budget de financement de la vie politique pour construire un fonds destiné à financer des projets portés par des associations, afin de renforcer la démocratie locale et recréer les liens de confiance avec les citoyens », poursuit la représentante de Yannick Jadot.

« La collecte des déchets, la gestion du pluvial et l’assainissement sont difficiles à exercer par les communes, a indiqué Philippe Ballard, représentant Marine Le Pen, à l’Amif. Pour les petites communes, l’intercommunalité est une vraie solution. C’est beaucoup moins vrai pour le pouvoir de police qui doit rester parmi les pouvoirs du maire », estime le RN. Marine Le Pen considère également que les compétences d’urbanisme doivent rester dans les compétences du maire. Elle proposera que, périodiquement, la compensation des transferts de charge de l’État soit augmentée à due concurrence. Le RN entend mettre fin à l’incompatibilité entre un mandat local et un mandat de parlementaire « pour atténuer le décalage connu sous cette mandature avec des députés hors sol ».

Laurent Saint-Martin : « Clarifier le qui fait quoi »

« La clarification du qui fait quoi est la priorité que nous voulons mettre en place et particulièrement sur la compétence du bloc communal », a déclaré Laurent Saint-Martin face à l’Amif.

« Notre principe c’est une mission, un responsable. Le bloc communal doit retrouver plus de compétences en matière de logement », estime le porte-parole d’Emmanuel Macron, qui s’attache à défendre le bilan du quinquennat. « On a fait entre 2017 et 2020 une contractualisation avec les accords de Cahors. Cela a bien marché et cela a montré que les collectivités savaient contractualiser avec l’État », estime le rapporteur du budget à l’Assemblée nationale.

« S’agissant de l’effort demandé par Emmanuel Macron aux collectivités (les 10 milliards d’euros annoncés) : ce n’est pas de la baisse de dotation. C’est de la limitation de la hausse des dépenses de fonctionnement comme nous l’avons déjà fait par le passé. C’est encore moins de la baisse d’investissements. L’objectif, c’est d’être plus efficace dans la dépense publique », fait-il valoir. « Sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), il est hors de question de la supprimer sans compensation. Le mécanisme n’est pas figé à ce jour mais ce qui est sûr, c’est que ça sera compensé à l’euro près », indique l’élu.

Le « comité de la hache de Valérie Pécresse »

Valérie Pécresse entend « redonner du pouvoir aux maires dans tous les domaines du quotidien, des capacités d’agir, alléger les normes, supprimer les doublons administratifs pour économiser de l’argent public et pour améliorer les conditions de vie des Français », a indiqué Alexandra Dublanche face à l’Amif. Ainsi, LR déclare vouloir « donner une visibilité aux collectivités sur leurs ressources et leur permettre d’adapter les règles », avec l’inscription d’un « droit à la différenciation dans la Constitution », dans le cadre d’une « République des territoires ».

« Nous mettrons en place un “comité de la hache” chargé de supprimer les réglementations excessives ou inutiles en confiant aux parlementaires cette suppression des normes », annonce également Alexandra Dublanche. « Il faut que l’on divise a minima par deux toutes nos procédures administratives ».

« Sur le logement, Valérie Pécresse veut mettre en place un “pacte de mixité sociale”, en donnant aux maires 60 % des attributions de logements sociaux sur leur ville. Par ailleurs, nous voulons généraliser le dispositif anti-ghetto de la région qui limite à 30 % la part de logements sociaux dans une ville », a poursuivi Alexandra Dublanche. Elle a également indiqué que la présidente de la région Ile-de-France souhaite « desserrer l’étau de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) », en incluant toutes les formes de logements intermédiaires et en accession à la propriété dans la comptabilité des logements sociaux et adapter le zéro artificialisation nette (ZAN) pour s’adapter au contexte, notamment en milieu rural.

« Nous voulons inscrire dans la Constitution une clause compétence générale pour les communes et laisser les communes s’organiser comme elles le souhaitent avec des accords locaux ». Enfin, Valérie Pécresse souhaite « faire correspondre aux compétences des ressources suffisantes et stables et lancer une grande conférence des territoires ».

Place de la région capitale dans l’avenir de la nation. Enjeux dont l’État devrait s’occuper en priorité en Ile-de-France

« L’Ile-de-France a perdu plus de 3 742 praticiens (17 %) ces 10 dernières années, elle est aujourd’hui le premier désert médical du pays sur ces points, l’État doit mettre les moyens nécessaires », estime le porte-parole d’Anne Hidalgo. Les socialistes souhaitent, par ailleurs, « relancer massivement la construction de logements (150 000 logements sociaux par an). L’État doit tenir sa parole en matière de transports en commun », poursuit le socialiste, estimant « qu’il manque des financements et que l’État doit être au rendez-vous, (…) dans une logique partenariale et porter une répartition des priorités en écoutant les collectivités ».

Anne Hidalgo souhaite « renforcer les financements publics qui permettent d’assurer la transition écologique francilienne ». « Sur l’éolien, le photovoltaïque et le biométhane, nous sommes à moins de 10 % des objectifs de production fixés à 2030 », constate Maxime des Gayets.

EELV pour « une République fédérale et écologiste »

« Nous sommes favorables à une république fédérale et écologiste », fait valoir Ghislaine Senée, représentant Yannick Jadot. Pour les Verts, la Région, « c’est la strate qui permet de se projeter, de porter le rééquilibrage des territoires ». Les écologistes sont également favorables à un partage de pouvoir réglementaire et législatif dans les domaines qui ne sont pas régaliens. « La responsabilité du logement doit être attribuée de manière plus forte aux Régions pour qu’elles puissent donner les moyens aux EPCI d’atteindre leurs objectifs », estiment-ils également.

Les Verts entendent « favoriser massivement la création des offices fonciers locaux pour baisser le coût de la construction par la dissociation du foncier et du bâti pour tous les logements », notamment au travers d’un Fonds national d’aide à la pierre à hauteur de 800 millions d’euros par an, répartis entre l’État, Action logement et les collectivités. « Il faut sortir du modèle des appels à projets pour pouvoir donner de la visibilité sur le long terme aux collectivités », considèrent également les écologistes.

« L’État doit se préoccuper en priorité du financement des infrastructures de transports. Nous sommes en attente d’un vrai contrat de plan État-Région (CPER) transports qui est à ce jour au point mort », indique Alexandra Dublanche. « Il faut aussi que l’État s’intéresse au périphérique », ajoute-t-elle, regrettant que la loi 3DS (différentiation, décentralisation, déconcentration et simplification) n’ait pas donné compétence à la Région sur le boulevard périphérique.

Réforme institutionnelle du Grand Paris

« La Métropole ne peut pas être une simple affirmation, cela ne peut être qu’un outil », estime Maxime des Gayets, qui demande sur ces questions un débat avec les élus. « Le premier objectif de la métropole du Grand Paris, c’était la réduction des inégalités territoriales, rappellent les socialistes. Il y a là un enjeu à partir duquel on peut imaginer une organisation et les outils. Le deuxième enjeu, c’était le logement qui doit être mieux réparti sur le territoire. C’est une nécessité absolue. C’est donc bien à partir des objectifs que nous nous assignons collectivement pour l’Ile-de-France et son cœur métropolitain qu’il nous faut penser notre organisation des pouvoirs ».

Les Verts et le RN pour la suppression de la MGP

« Nous n’avons jamais été favorables à la métropole du Grand Paris et à l’ajout de cette strate », indique Ghislaine Senée. EELV est favorable « à une région métropolitaine avec fusion entre la Région et la Métropole ». « Il faut transformer les établissements publics territoriaux en établissements publics de coopération intercommunale ou transformer la Métropole en syndicat mixte qui pourrait être un lieu de coconstruction sur un certain nombre de compétences », notamment la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), estiment les Verts, qui sont favorable à un référendum sur cette question. « La Société du Grand Paris (SGP) devrait être transférée à Ile-de-France mobilités et nous pensons qu’il faut revoir le tracé du Grand Paris express à l’aune des enjeux à venir. Un effort doit être porté sur le transport du quotidien », estiment également les écologistes.

« Ce qui charpente notre programme, c’est la “démétropolisation” afin que les grandes métropoles arrêtent d’absorber la richesse de leur secteur géographique », résume le porte-parole du RN. « L’aménagement a été abandonné à la main invisible du marché », déplore le porte-parole de Marine Le Pen, qui annonce « des incitations fiscales et l’instauration de primes d’aménagement du territoire, financés par un fond souverain, alimenté par l’épargne des français, qui permettra par exemple de créer une bretelle d’autoroute et d’ouvrir des zones d’activités pour implanter des entreprises ».

« La métropole du Grand Paris est une aberration administrative qui est inutile et coûteuse », estime également Marine Le Pen, qui souhaite la supprimer et dénonce « un coût de fonctionnement exorbitant comme tout ce qui a été fait par les réformes territoriales de 2015 ».

LREM : « Sortir du micmac actuel »

« Dans le programme d’Emmanuel Macron, il y a la réforme du conseiller territorial qui forcément modifierait le mille-feuille puisqu’il enlèverait non pas une collectivité, mais un niveau de représentants. Si on clarifie les compétences, là aussi on peut faire des progrès. Il restera à clarifier, quel que soit le scénario, la question de la fiscalité locale et donc des ressources. La priorité est de sortir du « micmac » actuel. A chaque loi de finances, on doit faire voter des amendements avec un débat entre la métropole du Grand Paris, les Départements, l’alliance des territoires pour déterminer la part de chacun. Ça c’est de la rustine qui n’a pas vocation à durer. Le schéma institutionnel du Grand Paris doit à terme être clarifié ».

« Nous voulons simplifier l’organisation institutionnelle pour une plus grande compétitivité, indique Alexandra Dublanche. Nous voulons que les compétences soient mieux réparties et que la métropole du Grand Paris soit recentrée sur un budget d’investissement. On ne peut pas “voir Paris en grand” en se cantonnant au territoire de la petite couronne et en excluant cinq millions de Franciliens et des infrastructures essentielles comme l’aéroport de Roissy (Val d’Oise) ou le plateau de Saclay (Essonne). Il faut revoir cette organisation et le faire en mettant à plat les compétences et en réduisant le nombre d’interlocuteurs. Il faut éviter les chevauchements de compétences ».

Les représentants des candidats à l’Elysée ont répondu aux questions posées par les élus de l’Amif :

  • Stéphane Beaudet,président de l’Amif, maire d’Evry-Courcouronnes (Essonne)
  • Jean-Philippe Dugoin-Clément,premier vice-président de l’Amif en charge de la décentralisation, maire de Mennecy (Essonne)
  • Jacques JP Martin,vice-président de l’Amif, maire de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne)
  • Eddy Aït, trésorier adjoint de l’Amif, maire de Carrières-sous-Poissy (Yvelines)
  • Jean-François Vigier,vice-président de l’Amif, maire de Bures-sur-Yvette (Essonne)
  • Christian Robache, vice-président de l’Amif, maire de Montévrain (Seine-et-Marne)

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