Affiches Parisiennes – L’Amif lance une consultation “pour une nouvelle et véritable décentralisation”

« L’Etat recentralise et reconcentre depuis trop longtemps ». Voici le constat posé par Stéphane Beaudet, président de l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif), qui vient de lancer sa « grande consultation des maires franciliens pour dessiner ce qui pourrait être un véritable acte de décentralisation ». Cette enquête dressera un état des lieux qui sera le support de doléances des élus pour interpeller les candidats à la Présidentielle.

L’ouverture du dialogue sur la décentralisation est jugée indispensable par l’Amif, alors que la proximité de l’élection présidentielle de 2022 fait craindre une accentuation du jacobinisme déjà en marche selon de nombreux édiles.

Contexte tendu

Cette concertation lancée le 30 mars l’est d’autant plus dans « ce contexte d’élection présidentielle avec l’annonce de réformes magistrales en Ile-de-France et une crise sanitaire qui a complètement replacé les collectivisées au cœur du débat et de l’action, et des maires souvent très en colère qui se sentent de plus en plus esseulés », considère Stéphane Beaudet, maire d’Évry-Courcouronnes et président de l’Amif.

« C’est une période d’assez grands paradoxes où des décisions très importantes sont prises par un très petit nombre de personnes et où les maires s’organisent en réseau, fabriquent des solutions, sont au front au quotidien en train de résoudre les problèmes des citoyens qui souhaitent être associés aux décisions et à la transformation de leurs collectivités », estime Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement de Paris et vice-présidente de l’Amif. De fait, la capitale « n’a jamais été autant impliquée dans les réseaux de villes, à l’échelle de la France mais aussi internationale, notamment sur les sujets de transformation énergétique ou encore de groupement d’achats », illustre-t-elle.

Pour l’Amif, un nouvel acte de décentralisation doit nécessairement être conditionné à un travail de fond concerté avec l’échelon essentiel que représente la commune. Raison pour laquelle l’association représentative des 1 268 maires franciliens qui « compte beaucoup de communes rurales ce qui en fait le premier grenier de France » en a fait l’un des chantiers majeurs de son action pour l’année 2021.


Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement de Paris et vice-présidente de l’Amif.

Enquête suivie d’échanges

Cette réflexion se déroulera en deux temps forts : une phase d’enquête via un questionnaire distribué auprès de l’ensemble des collectivités franciliennes (même non-adhérentes de l’Amif), puis une série de tables rondes sous forme de webinaires sur la base des six thématiques identifiées et qui seront enrichies pendant la phase de concertation.

« Le but est de permettre aux participants de s’exprimer au maximum. La dématérialisation des tables rondes nous permettra de toucher un large public et d’avoir une photographie précise des attentes des collectivités », précise Jean-Philippe Dugoin-Clément, maire de Mennecy, premier vice-président de l’Amif et initiateur de cette démarche inédite pour qui c’est « un moment fort de propositions et de collaboration ».

L’association compte bien se servir des premiers retours de cette consultation pour alimenter les tables rondes qui se tiendront courant mai juin dont elle fera la synthèse afin de la présenter au congrès de l’Amif début juillet, et d’avoir « un élément concret dans le cadre de l’échéance présidentielle » pour faire valoir ce que les maires franciliens attendent.

« Nous n’aurons pas de position commune sur tout mais sur certains axes et nous pourrons surtout fixer des lignes rouges », explique Jean-Philippe Dugoin-Clément pour qui l’objectif est de dresser un état des lieux qui puisse servir d’outil d’aide à la décision. « Au-delà d’un temps d’échanges nous souhaitons fédérer et se positionner comme un acteur positif pour essayer d’avancer vers l’Ile-de-France que nous rêvons, qui est la seule métropole de taille mondiale de notre pays avec 12,3 millions d’habitants », rappelle-t-il.


Jean-Philippe Dugoin-Clément, maire de Mennecy, premier vice-président de l’Amif.

Des maires revendicateurs

Pour Bernard Rigault, maire de Moussy-le-Neuf qui porte la voix de la ruralité au sein de l’Amif dont il est vice-président, « la place de la commune comme l’échelon institutionnel de base est l’élément fondamental de notre réflexion. Quand on se pose la question de l’existence des petites communes, il faut que l’on recherche les points communs qui permettront non pas d’imposer des regroupements mais que l’on raisonne plutôt en termes de bassins de vie ».

« Notre association est la représentation de ce que nous souhaiterions quand on parle de décentralisation. L’objectif est qu’on ne peut pas appliquer les mêmes règles de démocratie quand on est dans des secteurs très denses et des secteurs ruraux », explique l’élu pour qui il faut nécessairement associer à la décentralisation la démocratie locale. « Le maire à qui on demande tout et qui est à portée de mains est aussi celui qui a de moins en moins de possibilités d’agir », dénonce-t-il.

Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers et vice-président de l’Amif, met quant à lui l’accent sur le besoin de renforcement de l’évaluation des politiques publiques afin que les citoyens sachent où vont leurs impôts et sur la défense de l’institution communale qui fait de plus en plus consensus.

« Il faut donc avoir la capacité d’entendre tous les maires sur tous les territoires et quelle est la réalité démocratique, le contact citoyen, les rapports à l’intercommunalité et aux compétences, à la métropole, à la ville-centre et à la région polycentrique », considère Stéphane Beaudet.

« Peut-être que notre rôle est de boucher les trous d’une loi essentiellement technique sur la décentralisation différenciée », ajoute Jean-Philippe Dugoin-Clément en évoquant le projet de loi 4D — pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification – qui vient de sortir des arbitrages ministériels. « Avec Anne Hidalgo, nous estimons que la loi 4D manque d’ambition en termes de déconcentration », confie Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement de Paris, vice-présidente de l’Amif.

« Cette loi 4D n’a rien à voir avec la décentralisation que nous souhaitons », déplore Jacques JP Martin, maire de Nogent-sur-Marne et vice-président de l’Amif, qui cite notamment le manque d’autonomie et l’abaissement de la capacité des maires à lever l’impôt, comme sur la taxe d’habitation (lire encadré). L’élu alerte d’ailleurs sur le risque que l’Etat mette la main sur la taxe foncière sur laquelle « nos amis du Parlement commencent à lorgner ».

Suppression de la taxe d’habitation signe d’un Etat jacobin

La récente suppression de la taxe d’habitation pour les résidences principales ressort des débats comme l’exemple parfait de l’essor de la centralisation.

Sur une éventuelle volonté de réintégration, Stéphane Beaudet répond « non, pour une raison très simple qui est que les élus sont partagés et que c’est un impôt par très juste qui pesait sur les familles ». Pour le président de l’Amif, le sujet n’est pas là mais « sur notre maîtrise des impôts et de la gestion des villes ». D’ailleurs, il critique ce « gouvernement complètement jupitérien » en pointant la perte d’autonomie fiscale et financière des communes, et paradoxalement, l’Etat de moins en moins aménageur des territoires. Son collègue Jacques JP Martin dénonce aussi vivement « la jacobinité particulière française ».