Positionnement sur la saisine rectificative article 55 de la loi dite  » SRU  » dans le cadre du projet de loi dit  » 4D « 

Positionnement sur la saisine rectificative article 55 de la loi dite  » SRU  » dans le cadre du projet de loi dit  » 4D « 

Alors que Parlement débutera à l’été l’examen du projet de loi « déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification » dit « 4D », l’Association des Maires d’Ile-de-France souhaite réagir sur un certain nombre de dispositifs envisagés, notamment sur la saisine rectificative de la loi dite « SRU ».

Votée en décembre 2000, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) vise à lutter contre les inégalités sociales et spatiales. La plus connue de ses dispositions est l’article 55 qui impose aux communes des quotas de logements sociaux. Par cet article, la loi SRU a pour objectif d’augmenter le parc de logements sociaux et de rééquilibrer sa répartition géographique sur le territoire pour favoriser la mixité sociale et faciliter les parcours résidentiels. Dans ses objectifs initiaux, le logement social doit permettre un accès facilité au logement au sein d’un parcours résidentiel.

À ce jour, en Ile-de-France, nous faisons le constat que la rotation au sein du parc social, et in fine la sortie complète des bénéficiaires, s’avère particulièrement difficile en raison du différentiel de prix avec le secteur libre. Cette situation retarde d’autant l’entrée de nouvelles populations dans celui-ci. Il est donc nécessaire de développer, notamment, l’offre intermédiaire (ex. : prêt locatif social – PLS). Le parc social doit proposer une offre aux candidats locataires ne pouvant prétendre aux logements de type PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) ou PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé. Plus encore, le développement de l’offre d’accession abordable (de type prêt social location accession (PSLA) ou via les offices fonciers solidaires (OFS)) nous semble primordiale.

À l’occasion du projet de loi « 4D », le Gouvernement souhaite prolonger les objectifs SRU au-delà du terme initial (2025). À travers ce positionnement, l’AMIF souhaite apporter l’expertise et l’expérience des maires d’Ile-de-France afin de nourrir le débat et les propositions de modifications.

L’AMIF souhaite rappeler son soutien à la loi SRU et la nécessité de produire du logement social sur l’ensemble de la Région Ile-de-France. En effet, la loi SRU a permis d’augmenter sensiblement l’offre en logement à destination de populations ne pouvant se loger dans le secteur libre. Ses obligations ont eu des effets positifs indéniables sur l’accès aux logements et sur les parcours résidentiels. Le logement social correspond à un besoin réel de l’ensemble des habitants de nos territoires, quelle que soit la taille des communes.

Pour autant, plus de 20 ans après son entrée en vigueur, l’article 55 souffre de difficultés de mise en œuvre avérées, et ce particulièrement en Ile-de-France. La région capitale est victime d’une véritable crise du logement. 70% de ses habitants sont éligibles au logement social et il en manquerait plus de 50 000 pour atteindre les objectifs assignés par la loi SRU dans les communes carencées.

Depuis les débuts de la loi, 170 communes franciliennes ont fait l’objet d’un constat de carence au cours des 6 premières périodes triennales (2002-2004 à 2017-2019). Plus de 60% de la production de logement social s’opère désormais dans les communes assujetties à la loi SRU. Au total ce sont 345 500 nouveaux logements sociaux qui ont été mis en location entre 2001 et 2018, soit près de 19 000 par an. La loi a permis une diffusion spatiale du logement social puisqu’en 2000, il était présent dans 593 communes franciliennes. En 2019, le logement social est présent dans 691 communes franciliennes. Pour autant, 70 % des logements sociaux sont produits dans des communes en politique de la ville, et 50 communes totalisent la moitié de la production régionale (41% de la production en petit couronne, 38% en grande couronne et 21 % à Paris). Enfin, les logements très sociaux (de type prêt locatif aidé d’intégration – PLAI) ne représentent que 11% de la production alors 72 % des demandeurs relèvent de ce type de logements.

Par ailleurs, notre région connaît une pression foncière très intense, ce qui fragilise fortement le montage financier des opérations de logements sociaux. L’objectif uniforme de 25% de logements sociaux par commune s’avère irréalisable dans bien des cas, soulevant la question de l’applicabilité de la loi lorsqu’il n’y a plus aucun terrain constructible.

En tant qu’association représentant les élus d’Ile-de-France, l’AMIF demande à ce que :

  • Le rôle de la commune soit réaffirmé dans la politique de peuplement ;
  • Les objectifs de production de logements sociaux soient davantage considérés sous l’angle du flux et non uniquement d’un stock à atteindre ;
  • Les spécificités de chaque commune pour établir les objectifs et/ou prononcer les carences et les amendes soient prises en compte ;
  • La mesure du taux de logements sociaux soit mis en cohérence avec la compétence logement et habitat ;
  • Les aides aux Maires bâtisseurs soient rétablies.

À l’issue de son assemblée générale, l’Association des Maires d’Ile-de-France (AMIF) formule 5 grandes séries de propositions :

1) Le rôle de la commune doit être réaffirmé dans la politique de peuplement

En cohérence avec ses propositions du livre blanc logement publié en juillet 2019, l’AMIF estime que les communes doivent retrouver une place essentielle dans l’attribution des logements sociaux de leur territoire. En effet, la politique de peuplement est un levier essentiel et doit être placée prioritairement entre les mains des communes. À ce jour, les communes sont décisionnaires d’une part trop faible des attributions de logements sociaux.

Le pouvoir d’attribution des logements est un levier supplémentaire pour faire accepter le logement social aux populations locales. Régulièrement, les modalités d’attribution des logements sociaux suscitent l’incompréhension des populations. Bien évidemment, ce renforcement du pouvoir des communes ne doit pas être synonyme de favoritisme et doit se faire dans le cadre d’une commission d’attribution structurée autour de critères rigoureux et transparents. En outre, il ne s’agit nullement de revenir sur l’élaboration des CIL et CIA au niveau intercommunal, mais bel et bien d’assurer qu’une plus grande part de l’attribution des logements sociaux soit de la compétence de la commune.

2) La logique de flux de logements sociaux doit prévaloir sur la logique de stock

L’AMIF estime que le flux de logements sociaux produits doit être davantage pris en compte dans les objectifs assignés aux communes. Si l’atteinte d’un stock de logements sociaux doit demeurer l’objectif final, le constat de l’atteinte d’un objectif de flux devrait permettre aux communes de ne pas être déclarées comme carencées.

Ainsi, il pourrait être envisagé qu’un objectif de production de logements sociaux par opération soit imposé à une commune. En cas d’atteinte de cet objectif, et même si la commune demeure carencée en termes de stock de logements sociaux sur son parc total de logement, celle-ci ne serait pas considérée comme carencée.

3) Les spécificités de chaque commune pour établir les objectifs et/ou prononcer les carences et les amendes doivent mieux être prises en compte

Les besoins en logements sociaux sont présents sur l’ensemble du territoire régional. Pour autant, l’AMIF appelle à une application des objectifs de production en tenant compte des contextes locaux. La prise en compte de l’attractivité, de la pression foncière, de la demande de logements doit être améliorée.

Par ailleurs, les objectifs de réduction de l’artificialisation du foncier rendront certaines opérations encore plus difficiles à réaliser (réduction du foncier disponible, augmentation de la pression foncière). Construire plus sans artificialiser davantage constitue un vrai défi qui relève parfois de l’impossible pour certaines communes. S’ajoute à ces difficultés que l’acceptation sociale de la densification par les populations résidentes est de plus en plus faible (ce phénomène s’accentue depuis la pandémie). Ces nouvelles contraintes doivent être intégrées dans les objectifs de production assignés aux communes.

L’AMIF estime que si l’exemption pour cause d’inconstructibilité de 50% (article L 302- 5 du code de la construction et de l’habitat) doit être maintenue, elle s’avère insuffisante dans certains cas. L’AMIF propose que la part du territoire inconstructible donnant droit à exemption soit abaissée à 30%.

Dans le même ordre d’idée, l’AMIF souhaite que la notion d’inconstructibilité soit élargie en intégrant les secteurs d’un territoire communal ayant la qualité d’espace naturel remarquable (Ex. : zone NATURA 2000).

4) Pour une mise en cohérence entre la compétence logement et habitat et la mesure du taux de logements sociaux

Les maires d’Ile-de-France rappellent tout d’abord qu’ils souhaitent garder, autant que faire se peut, la compétence urbanisme à l’échelle de la commune. En effet, c’est à cette échelle que le contrôle démocratique et que la lisibilité des politiques conduites peut se faire aux yeux des citoyens.

Cependant, constatant que les réformes successives amènent à un transfert progressif de la compétence aménagement du territoire à l’échelle de l’intercommunalité, ils considèrent qu’il faut mettre en adéquation la mesure des efforts réalisés avec la collectivité disposant des compétences permettant de mesurer ces efforts. Aller jusqu’au bout de cette logique, bien que cela ne soit pas le souhait initial des maires, induirait à mesurer le taux de logements sociaux à l’échelle de l’intercommunalité et non pas de la commune, et du même fait les constats de carences et les pénalités qui en résultent.

5) L’aide aux Maires bâtisseurs doit être rétablie

À ce jour, la production de logements sociaux fait face à deux difficultés :

  • le coût des opérations ;
  • le coût des nouveaux équipements.

*Le coût des opérations

Les opérations intégrant une part de logements sociaux reposent sur des équations budgétaires plus complexes et fragiles que les opérations composées uniquement de logements non régulés. Afin de faciliter les opérations mixtes, l’AMIF souhaite un renforcement des aides à la pierre, en particulier dans les zones où la pression foncière (et donc le coût) est élevée), très nombreuses en Île-de-France. Des actions renforcées en matière d’acquisitions foncières doivent également être entreprises avec le soutien de l’État afin de faciliter le montage des opérations.

*Les coûts liés à l’accueil des nouveaux habitants

Par ailleurs, l’arrivée de nouvelles populations représente un coût pour les budgets communaux. L’accueil des populations implique la construction de nouveaux équipements et l’augmentation des effectifs communaux afin d’étoffer les services publics communaux (ex. : écoles, services sociaux, éducateurs sportifs, …).

La nécessité de mobiliser de nouvelles ressources pour financer les équipements et services liés à l’arrivée de nouveaux habitants se conjugue aujourd’hui à la réduction des leviers financiers entre les mains des élus (suppression de la taxe d’habitation qui s’ajoute à l’exonération de la taxe d’habitation pour les logements sociaux pendant 20 ans).

Par ailleurs, la mise en place de la réduction du loyer solidarité (RLS) a amplifié les difficultés de financement du logement social en réduisant les capacités d’investissements des bailleurs sociaux. L’ensemble de la chaîne de production du logement social a été impactée. En conséquence, les bailleurs seront contraints dans les prochaines années de réduire leurs investissements en logements neufs, en réhabilitations, en entretien des logements existants et en optimisation énergétique de leur parc. En conséquence, l’AMIF propose de revoir ce dispositif.

Afin d’inciter à la production de logements sociaux, l’AMIF estime que l’État doit s’engager à soutenir financièrement les communes. Si une aide au maire densificateur existe, il nous semble important de l’élargir à une aide aux maires bâtisseurs, incitative à la production de logements sociaux.