Positionnement de l’Association des Maires d’Ile-de-France sur le projet de loi Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique

 

Positionnement de l’Association des Maires d’Ile-de-France

Sur le projet de loi Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique

Alors que va débuter à l’Assemblée Nationale la première lecture du projet de loi Engagement et Proximité, et suite à un récent Conseil d’Administration qui a fait de ce point un des sujets majeurs à l’ordre du jour, l’Association des Maires d’Ile-de-France rappelle que les maires sont les piliers du dialogue démocratique et doivent pouvoir conserver leur capacité à agir au service de leurs administrés.

Les cahiers de doléances et le Grand Débat national ont mis l’accent sur le rôle fondamental que jouaient les maires, piliers de la démocratie représentative et participative. Toutefois, si le maire reste l’élu de proximité en lequel les administrés ont confiance, on observe une véritable crise de vocation liée à des conditions d’exercice de mandat de plus en plus difficiles.

En effet, les maires font face à un effet de ciseaux : d’une part, des citoyens de plus en plus exigeants concernant le service public rendu ; d’autre part, ils sont soumis à une baisse des ressources financières, et un empilement de normes successives qui créé de nouvelles responsabilités. Par ailleurs, les lois précédentes ont visé à renforcer les intercommunalités (transfert de compétences et élargissement successif des périmètres), induisant une perte de compétences pour les communes. L’ensemble de ces éléments a généré pour les maires un sentiment de dégradation forte de leur capacité à agir et à répondre aux demandes des citoyens, alors même qu’ils sont en première ligne pour faire face aux urgences du quotidien.

Pour l’Association des Maires d’Ile-de-France, le projet de loi du 17 juillet 2019 Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique marque un tournant dans la prise en compte et la reconnaissance du rôle des maires par le Gouvernement en place. Après deux ans dans un climat de défiance sans précédent de l’exécutif envers les maires, ce texte apparaît comme une tentative pour renouer le dialogue. L’Association des Maires d’Ile-de-France salue donc ce premier pas, mais il ne saurait constituer le geste décentralisateur tant attendu pour conforter la libre administration et l’autonomie des collectivités locales, ni un texte qui met en place un véritable statut de l’élu fondé sur une protection juridique renforcée et des indemnités plus adaptées. Le constat des maires d’Ile-de-France est surtout celui d’un empilement de mesures hétéroclites, dans un contexte de régression inédite de la libre administration des collectivités territoriales (suppression de la taxe d’habitation, contrats financiers léonins, baisses de crédits).

Le changement de ton à l’égard des élus est sans doute louable, mais ce projet de loi répond-il vraiment à l’objectif ? Le travail considérable du Sénat parle de lui-même. Avec 136 amendements adoptés en commission puis 141 amendements votés en séance publique, il a considérablement revu le projet de loi lacunaire présenté par le gouvernement. Au vu des premiers résultats des travaux de la Commission des lois de l’Assemblée Nationale, les députés de la majorité s’opposent à la plupart des amendements proposés par le Sénat qui visent à aller plus loin que le projet de loi initial dans l’amélioration de la situation des élus, notamment en ce qui concerne le montant de leurs indemnités et leurs pouvoirs de police. L’AMIF considère qu’il est impératif que la lecture de l’Assemblée Nationale ne remettre pas en cause les avancées données par la chambre des territoires.

À mi-chemin du parcours parlementaire, des avancées intéressantes pour les maires

  • Concernant l’intercommunalité

Le volet intercommunal du projet de loi s’est enrichi de nombreuses dispositions afin de faire valoir davantage de souplesse dans l’organisation des compétences des intercommunalités, selon le principe de subsidiarité et sur la base d’une majorité significative des élus. Si le gouvernement souhaite combattre durablement le sentiment latent de dépossession – voire d’inutilité – qui s’est installé chez les maires et dans leurs équipes à la suite des dernières réformes territoriales, il faut redonner des marges de liberté, des capacités d’initiative et lever les rigidités existantes au sein des coopérations intercommunales.

En ce qui concerne l’obligation de débattre d’un pacte de gouvernance, l’AMIF estime qu’une simple charte, si elle a le mérite de poser le débat, ne suffit pas à régler la question de la bonne implication des maires sur l’ensemble du mandat. Pour l’AMIF, c’est d’abord à travers la mise en oeuvre d’un projet de territoire porté par l’ensemble des maires que peut s’engager une dynamique intercommunale constructive et efficace. L’AMIF remarque que les amendements du Sénat appuient le renforcement du rôle du maire dans l’intercommunalité en rendant obligatoire la conférence des maires dans l’ensemble des EPCI.

Le projet de loi vise également à renforcer le rôle des communes dans les PLUI. Ainsi, à ce stade, les procédures de modification du PLU intercommunal n’associent pas les communes membres alors même qu’elles concernent le règlement, les orientations d’aménagement et de programmation ou le programme d’orientations et d’actions. Ces modifications sont toutes à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale, qui notifie le projet de modification aux maires des communes concernées par la modification. Sur ce point, le dispositif retenu par le projet de loi du 17 juillet 2019 prévoit des mesures qui ne vont pas assez loin et ne modifient que trop légèrement l’exercice de la compétence PLUI en faveur des communes. Cette problématique majeure a particulièrement été identifiée dans le cadre du diagnostic et des propositions du Livre blanc sur le logement en Ile-de-France, publié en juillet 2019. Comme souhaité par l’AMIF dans ce livre blanc, le Sénat revient sur le rôle des communes dans les PLUI : un amendement renforce le principe de subsidiarité en redonnant à la commune la compétence du Droit de Préemption Urbain de plein droit, tout en conservant la faculté de déléguer cette compétence à l’EPCI. Il réintroduit également l’intérêt communautaire pour les zones d’activité économique (ZAE) ce qui donne davantage de souplesse dans le transfert de cette compétence.

Conformément au voeu formulé dans le cadre de son positionnement lors de l’Assemblée Générale d’avril 2019, l’AMIF se félicite que le projet de loi inclut la suppression de la révision sexennale des schémas départementaux de coopération intercommunale. De même, l’AMIF salue la possibilité induite pour une communauté d’agglomération ou une communauté de communes d’être divisée entre un ou plusieurs EPCI. Elle se réjouit que le Sénat ait élargi cette possibilité aux communes membres d’une communauté urbaine. L’AMIF demande à ce que cette mesure soit accordée aussi aux communes d’une communauté d’agglomération à cheval sur deux départements. Dans ce cas s’il est normal que la demande passe devant les Commissions Départementales de la Coopération Intercommunale (CDCI) de chaque département, le projet de loi devra prévoir (si on ne veut pas que les communes concernées continuent d’être piégées) que la CDCI cédante ne puisse pas s’opposer à la demande de la commune, si la CDCI accueillante est d’accord.

  • Concernant les conditions d’exercice du mandat de maire

Dans la lignée de ses propositions sur le statut de l’élu, l’AMIF approuve en particulier la disposition visant à faire de la protection fonctionnelle un droit réel à travers une attribution automatique aux maires et à leurs adjoints, et en assurant sa prise en charge par l’État dans les petites communes. L’AMIF demande à l’Assemblée Nationale de ne pas revenir sur ce point fondamental pour sécuriser l’exercice du mandat.

Les articles accordant des jours de congés pour faire campagne ainsi que l’amélioration de la prise en charge des frais de garde participent également à une meilleure conciliation de la vie professionnelle et personnelle avec le mandat de l’élu. Si l’on peut saluer la mise en place d’un remboursement des frais de garde qu’engagent les élus locaux pour participer aux réunions obligatoires pour les communes, ainsi que le relèvement du plafond des communes bénéficiant de la compensation de ce remboursement par l’État de 1 000 à 3 500 habitants, il est regrettable que la commission des lois s’oppose à l’amendement des sénateurs visant à étendre ce remboursement aux réunions non obligatoires.

Enfin, la revalorisation des indemnités pour les élus des communes de moins de 1 000 habitants est un premier pas positif pour une meilleure reconnaissance du travail des élus ; point qui constitue un sujet criant pour les élus franciliens au regard des différents travaux de l’AMIF. Il est important, pour remédier à la crise des vocations et diversifier les profils des élus et ne pas avoir une majorité de retraités ou issus de la fonction publique, d’offrir les conditions satisfaisantes pour garantir une pleine autonomie financière pendant la durée du mandat. L’AMIF souhaiterait que la valorisation des indemnités aille encore plus loin pour une véritable reconnaissance du rôle des élus locaux et la fin de l’iniquité du traitement des élus locaux par rapport aux élus nationaux.

Dans la suite de ses travaux sur le Livre blanc sur la sécurité en Ile-de-France Tome 2 Les maires en Première ligne, publié en juillet 2019, l’AMIF est ensuite favorable au renforcement des pouvoirs de police du maire concernant la fermeture des débits de boissons, et ne souhaite pas que cette avancée soit remise en cause.

Concernant les relations entre l’État et les collectivités, le projet de loi prévoit que le conseil de légalité lie formellement la préfecture, pour que le maire puisse sécuriser sa décision en sollicitant une prise de position formelle de l’État. Il s’agit là d’une mesure de bon sens et d’optimisation de la ressource publique, permettant d’éviter tout cas de figure où une commune se retrouverait face à des écarts entre les conclusions du contrôle de légalité et du conseil de légalité. L’AMIF soutient également la proposition du Sénat de réformer les missions du Conseil National d’Évaluation des Normes pour y introduire l’évaluation de l’impact juridique des normes ainsi que la simplification du droit s’appliquant aux collectivités.

Mais des dispositifs qui ne répondent pas assez aux enjeux prioritaires pour les maires d’Ile-de-France.

Malgré les avancées importantes permises par l’examen en première lecture au Sénat, l’AMIF affirme que ce projet de loi ne va pas assez loin car il ignore largement les sujets les plus prégnants, et en particulier les mesures que le gouvernement actuel souhaite mettre en oeuvre qui vont à l’encontre de la capacité à agir des maires. Ainsi, la suppression de la taxe d’habitation modifie profondément le rapport à l’impôt à l’échelle locale, en introduisant une perte du lien fondamental existant entre impôt local et service public local. Par ailleurs, le flou persiste sur les modalités de calcul de la dotation de compensation.

Concernant les compétences et alors qu’il s’agit d’un point de crispation majeur, l’AMIF s’oppose au maintien du transfert aux EPCI de la compétence eau et assainissement, et au principe d’une mesure dérogatoire possible jusqu’en 2026 pour garder cette compétence au niveau de la commune. Le Sénat a suivi les collectivités pour le rétablissement du principe de liberté en matière de transfert des compétences eau et assainissement, la réduction du nombre de compétences obligatoires des communautés de communes et d’agglomération, le rétablissement de l’intérêt communautaire… Il ne s’agit en rien d’une volonté de  » détricoter l’intercommunalité  » mais bien au contraire de revenir à son essence en redonnant la main aux élus et donc du sens à leur mandat.

Concernant les conditions d’exercice du mandat des élus, l’AMIF regrette que ne soit pas engagée une véritable réflexion juridique sur la responsabilité pénale du maire. Elle espère que cela fera l’objet d’une attention particulière dans l’offre de formation qui sera proposée suite à la réforme par ordonnance de la formation des élus.

Concernant la protection sociale et la retraite des élus locaux, le projet de loi ne traite pas ici encore du problème particulier lié à la situation des élus qui ont cessé leur activité professionnelle (en particulier dans le secteur privé) pour exercer à plein temps leur mandat d’élu local. Il est important que soit instauré un dispositif de prise en compte par l’État ou la collectivité des trimestres de cotisations retraites perdus par les élus venant du secteur privé qui ont connu une période d’impossibilité de cotiser.

Concernant les pouvoirs de police du Maire, si donner la possibilité au Maire de prononcer une amende administrative pour tout manquement à ses arrêtés présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu est une bonne idée, il convient d’aller plus loin, à la fois dans la sévérité de l’amende mais également dans son champ d’application. Ainsi par exemple, s’agissant des dépôts sauvages issus d’installations / campements sans droit ni titre ou de chantiers illicites (travaux réalisés par des individus sans être déclarés) qui constituent actuellement, un fléau environnemental au regard des millions de tonnes de déchets mélangés laissés abandonnés le long de nos routes, chemins, voies départementales et même les autoroutes franciliennes, et des coûts de nettoyage et de dépollution pharaoniques qu’ils engendrent, il convient de doter les Maires de pouvoirs de sanctions exemplaires à l’encontre des contrevenants. Il convient également de rallonger sensiblement le délai de prescription de l’action du Maire qui n’est que d’un an actuellement en matière de poursuites.

Le gouvernement doit accepter de faire de ce projet de loi un texte utile aux communes.

Les ouvertures du Sénat sont indispensables. Elles correspondent pour une large part à nos revendications et participent à donner une véritable ambition décentralisatrice au texte. La balle est désormais dans le camp de la majorité à l’Assemblée nationale. Si le gouvernement veut effectivement que le texte traduise les demandes exprimées lors du grand débat, il devra accepter les avancées obtenues aux Sénat.

Il est flagrant que la commission des Lois revient en arrière sur l’accroissement de certains pouvoirs ou certaines compétences du maire proposés par le Sénat. Ceci n’est pas acceptable car cet accroissement renforce la légitimité, l’autorité des élus locaux et leur facilite l’exercice de leur mandat.

Ainsi, on ne peut que regretter le rejet des amendements tendant à instaurer :

  • l’obligation pour le procureur d’informer le maire de manière automatique, des suites judiciaires données aux infractions signalées par lui ou constatées par les agents de police municipale de sa commune. Cette mesure est pourtant légitime au regard du nombre très important de plaintes déposées par les élus et classées sans suite par le Parquet ;
  • la possibilité pour les maires de procéder à l’extinction de l’éclairage public ;
  • la possibilité de transférer au maire le pouvoir de fermer un débit de boissons pour d’autres motifs que celui reposant sur l’existence d’un trouble à l’ordre public ;
  • la suppression du contrôle du procureur de la République sur le lieu dans lequel le maire envisage de célébrer un mariage dès lors que celui-ci est susceptible de se tenir en dehors de la maison commune. Les maires ne sont-ils pas suffisamment connaisseurs de leur territoire pour décider seuls du lieu d’un mariage dans leur ville ?

L’AMIF demande au gouvernement de sortir de l’ambiguïté sur les zones grises qu’il entretient :

  • Il faut en finir avec le feuilleton de l’eau et de l’assainissement dans les communautés de communes et d’agglomération et redonner aux communes la liberté de s’organiser comme elles le souhaitent ;
  • En matière de formation des élus, le gouvernement ne peut se contenter de renvoyer à une ordonnance ultérieure, sans précisions. L’intervention du CNFPT est tout à fait intéressante pour permettre aux élus d’accéder à sa préparation aux concours mais doit être écartée pour la délivrance de formations aux élus. Ce dernier point, introduit avec l’accord du gouvernement, n’est pas demandé par le CNFPT et les associations d’élus : il va créer plus de troubles qu’il n’engendrera de solutions ;
  • Concernant l’augmentation des indemnités de fonction dans les petites communes, l’AMIF réaffirme que ces revalorisations doivent faire l’objet d’une aide de l’État pour les communes concernées. L’AMIF plaide pour une conversation du principe acquis en 2015 et 2016 du versement de l’indemnité plafond au maire, sauf décision contraire de sa part.

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