10 mars 2022

Dans un entretien à « La Gazette », Catherine Arenou, maire DVD de Chanteloup-lès-Vignes et vice-présidente de Ville et banlieue, estime que la Nation entière doit changer son regard sur les communes populaires et leurs habitants. C’est le sens de la « harangue » que l’association a publiée, le 9 mars, pas seulement à l’intention des candidats à l’élection présidentielle.
Une « harangue à la Nation », pour « une fraternité nationale retrouvée » : c’est sous cette forme que l’association Ville et banlieue a choisi de faire connaître ses attentes dans la perspective de l’élection présidentielle, dans un contexte politique qu’elle juge délétère pour l’image des communes populaires et de leur population.
Harangue, ce texte d’une dizaine de pages l’est par l’emploi du « nous » associant étroitement ces maires et leurs habitants. Ils ont d’ailleurs sollicité certains d’entre eux pour jouer leur propre vie dans des capsules vidéo, désormais diffusées sur le site de Ville et Banlieue. Celles-ci montrent des « banlieusards » à la fois engagés et solidaires (notamment dans le cadre de la crise sanitaire) et confrontés, dans leur quartier, à l’habitat indigne, au manque de professionnels de santé, etc.
Ce texte est aussi une harangue par le ton solennel utilisé pour demander un Etat « entreprenant », « audacieux », « intrépide », « résolu » « courageux » pour l’éducation, l’emploi, la sécurité, etc. Pour aller dans le détail de ces thèmes, il sera suivi, le 28 mars, par la publication, avec cinq autres associations d’élus (AMF, APVF, Villes de France, France Urbaine, AMIF), d’une plateforme de propositions de mesures concrètes.
Catherine Arenou, maire de Chanteloup-lès-Vigne et première vice-présidente de Ville et Banlieue, explique pour les lecteurs de « La Gazette » pourquoi ce premier texte, généraliste, a paru indispensable à l’association.
Avec cette harangue, avez-vous voulu vous adresser autant aux électeurs qu’aux candidats à la présidentielle ?
Tout à fait. C’est une « harangue à la Nation », donc à tous nos compatriotes. Bien sûr, nous la publions dans le cadre de la campagne électorale, mais nous voulons porter notre voix auprès de tous nos concitoyens. Nous avons établi une liste de propositions concrètes, voire très techniques, avec les autres associations d’élus, car celles-ci sont utiles.
Mais nous avons aussi voulu prendre du recul, pour faire changer le regard porté sur nos habitants et leur existence dans les quartiers. Nous voulons faire entendre que, comme la Nation a eu besoin d’eux, premiers de corvée, au plus fort de la crise sanitaire, ils ont aujourd’hui besoin de la Nation. C’est un appel à une reconstitution d’un vrai pacte républicain.
Appelez-vous à une nouvelle loi de programmation qui prendrait le relais de la loi « Lamy » de 2014 ?
Il est certain qu’il faut un cadre contractuel, mais celui-ci doit être inspiré par cette nouvelle façon d’aborder nos quartiers. C’est-à-dire loin du parfum nauséabond de certaines considérations à leur égard et considérant plutôt nos territoires comme porteurs de solutions.
Peut-être une nouvelle loi sera-t-elle un exercice volontariste pour le futur gouvernement, mais je ne suis pas sûre qu’elle soit nécessaire. L’écriture des contrats de ville peut suffire à remettre les territoires dans un cadre partenarial.
Votre texte reprend la proposition d’une cour d’équité territoriale, qui figurait dans le rapport « Borloo » et que vous avez maintes fois réitérée. Est-il illusoire de vouloir une telle instance ?
Pourquoi serait-ce illusoire ? La Cour des comptes existe bien… Cette cour d’équité territoriale aurait deux vertus. D’abord celle de permettre de sortir du fantasme que la politique de la ville déverserait des millions sur les quartiers sans jamais produire de résultat. Nous savons que c’est faux et nous voulons le prouver.
Cela permettrait par ailleurs de suivre et d’évaluer ce qui est fait, afin d’éviter les discriminations entre territoires. Pour cela, il y a besoin d’un organe extérieur. C’est indispensable, au moins pour l’image de nos quartiers.
Le suivi de la mise en œuvre des mesures annoncées en comité interministériel de la ville n’a-t-il pas joué ce rôle ?
Il a été une étape pour suivre la façon dont se déclinait la politique nationale… là où il a été bien positionné. Le problème est qu’il a été réalisé de manière inégalitaire, puisque certains comités territoriaux ont été mal, voire pas du tout, réunis. Enfin, ce suivi n’a été porté que par l’Etat et n’a donc pas été neutre. Il peut se poursuivre, mais de manière complémentaire à la cour d’équité territoriale.
Votre « harangue » appelle à un doublement des moyens du renouvellement urbain. Avez-vous renoncé à demander un financement en continu de la rénovation urbaine, comme vous le souhaitiez ?
Non, il faut à la fois un doublement des financements apportés à la rénovation urbaine – cette nécessité est un constat largement partagé – et un abondement régulier de cette politique. Il est hors de question d’attendre encore quatre ou cinq ans qu’un programme soit lancé, car la vie et les besoins avancent en permanence. Il faut accompagner l’évolution des territoires en faisant de cette politique une politique de suivi financier.
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