Le Parisien – Face au «mépris» de l’Etat, les maires d’Ile-de-France relancent le débat sur la décentralisation

A un an de l’élection présidentielle, l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif) lance une grande consultation pour faire «remonter les besoins» des élus locaux, qui se sentent oubliés par les pouvoirs publics.

Avant de se voir imposer une énième réforme venue d’en haut, les maires d’Ile-de-France anticipent. Ce mardi, l’Amif a annoncé le lancement d’une consultation pour une « nouvelle et véritable décentralisation ».

L’équipe réunie autour de Stéphane Beaudet, président de l’Association des maires d’Ile-de-France et maire (SE) d’Evry-Courcouronnes (Essonne), veut profiter de cette période d’avant présidentielle pour « faire remonter les besoins », dépeindre « la réalité démocratique » et proposer « la vision des maires d’Ile-de-France » à tous les candidats à la présidentielle.

Car si le débat ressurgit « assez régulièrement », note-t-il, la réforme de fond annoncée par l’actuel gouvernement n’a « jamais vu le jour ». Mais chacun s’y attend : il en sera autrement sous le prochain président.

Devenus «les couteaux suisses de la République»

Sous forme de questionnaire électronique, les quelque 1200 maires de la région vont pouvoir s’exprimer « librement » sur un sujet qui les anime. « Je vibre quand j’entends le mot décentralisation », plaisante à peine Jacques JP Martin. L’élu (LR) de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) rappelle combien les maires sont aujourd’hui « les couteaux suisses de la République », « tenus de prendre leurs responsabilités », mais sans plus aucune « autonomie fiscale ni financière ».

Toutes les voix pourront s’exprimer. La Ville de Paris au même titre que les communes rurales – qui forment 75 % du territoire francilien –, que les communes riches ou celles qui abritent des quartiers populaires.

Six tables rondes seront ensuite organisées en mai-juin, abordant à la fois le rapport à l’Etat, les modes de fonctionnement, l’avenir institutionnel à donner, quitte à ce qu’il soit une exception au regard du poids de l’Ile-de-France…

Un bilan de la consultation attendu le 30 juin

« Ce sera une photographie, qui permettra le débat avec l’ensemble des acteurs institutionnels », défend l’instigateur de la démarche, Jean-Philippe Dugoin-Clément, premier vice-président de l’Amif et maire (UDI) de Mennecy (Essonne). Et ce, à l’heure où le projet de loi 4D (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification), « essentiellement technique », évacue ces sujets majeurs, selon lui.

Les résultats seront présentés au congrès de l’Amif, prévu pour l’heure au 30 juin. Y aura-t-il consensus ? « Il y en aura forcément sur la défense de l’institution communale, assure Patrice Leclerc, maire (PCF) de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Le gouvernement et son mépris envers les élus ont eu le mérite de nous souder entre nous. »

Unanimes, ils le sont sur ce maire « à portée de baffes à qui l’on demande tout mais qui a de moins en moins de possibilités d’agir. Il faut une vraie décentralisation et pas une recentralisation déguisée », résume Bernard Rigault, maire (DVD) de Moussy-le-Neuf (Seine-et-Marne).

La question des finances revient sur la table

Exemples de cette main de l’Etat toujours plus forte? Stéphane Beaudet en donne deux. Sous un précédent gouvernement, les bailleurs sociaux ont été exonérés de taxe foncière, « des subsides que nous percevions ». Et plus récemment : le plan de relance. « L’argent est distribué aux préfets qui redistribuent les dotations aux communes mais sur des projets dont l’orientation a été fixée par le gouvernement », s’agace le président de l’Amif.

Quant aux divergences, l’Amif s’y attend aussi. « Ce travail n’a pas vocation à avoir une position commune sur tout », relève Jean-Philippe Dugoin-Clément. Surtout sur le volet institutionnel, alors que le débat sur la Métropole du Grand Paris (MGP) n’est toujours pas tranché.

Le Forum métropolitain, autre organe réunissant différentes collectivités, a d’ailleurs engagé des auditions sur le sujet. Mais pour Patrick Ollier (LR), président de la MGP, « on ne va pas refaire tous les six mois une consultation. Ce débat, s’il doit se tenir, aura lieu après la présidentielle ».