Dossier spécial AMIF : La Métropole du Grand Paris et ses territoires ont-ils un avenir commun ?

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Les élus franciliens – en particulier ceux des 2 et 3e couronnes – s’inquiètent de l’“effet-frontière”, 100 jours après la naissance de la Métropole du Grand Paris (MGP). L’Amif (Association des Maires d’Ile-de-France) a consacré deux conférences à la Métropole et sa relation aux territoires lors du Salon des maires d’Ile-de-France, qui s’est tenu les 12 et 13 avril derniers. Deux tables rondes qui ont permis au panel d’élus de rappeler la nécessité de “construire un avenir commun”. Car la MGP doit se construire au-delà de sa réalité institutionnelle et composer avec les territoires qui l’entourent pour incarner pleinement le fait métropolitain, affirmer son attractivité et réduire les inégalités.

Le spectre d’une région à plusieurs vitesses
Jean-François Vigier, maire (UDI) de Bures-sur-Yvette (78) est d’abord revenu sur l’importance de nouer de véritables liens entre la Métropole et la grande couronne “en matière de transports notamment”, de “faire éclore une vraie solidarité entre tous les territoires, s’agissant d’aménagement ou encore de logement”, et de “favoriser une cohérence dans l’exercice des compétences, sur la question du développement économique en particulier”. Un bref rappel introductif des défis multi-échelles à relever dans un contexte compliqué. Tandis que la Région est organisée de façon radioconcentrique – la MGP, la zone dense (les EPCI de 200 000 habitants minimum) et les autres territoires, plus ruraux -, la crainte est d’avoir “une Ile-de-France à trois vitesses”, souligne l’élu, d’autant que “la création de la Métropole a complexifié le mille-feuilles”, et que, depuis le 1er janvier 2016, “les Franciliens ne sont plus administrés de la même façon”. Alors, “avons-nous un avenir commun” ? Encore faut-il distinguer la Métropole du Grand Paris, dans sa forme institutionnelle et géographique, et “la construction métropolitaine” au sens large.
“Il faut que cette métropole soit utile aux territoires et aux citoyens”, pose Stéphane Beaudet, président de l’Amif, maire (LR) de Courcouronnes et vice-président du Conseil régional. Qu’elle joue son rôle de “ville-monde” et tisse des liens avec les territoires qui l’entourent. Stéphane Beaudet s’inquiète surtout du modèle communal, qu’il faudra “réinventer” (cf. p.1) pour que l’Ile-de-France ne devienne pas, précisément, une région à plusieurs vitesses. Avec d’un côté les territoires ruraux, et de l’autre, Paris. “Essayons de faire projet avec ce qu’on a, de repenser la commune de demain avant qu’on le fasse pour nous”.
Paris justement… décriée depuis les prémices du projet métropolitain, regrette Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, chargé de l’urbanisme, de l’architecture et des projets du Grand Paris. “Une métropole sans ville-centre, ça n’existe pas”, a-t-il d’abord défendu. Et de poursuivre sur la pluralité des territoires qui composent cette “métropole à géométrie variable” : sous sa forme “scientifique avec Paris-Saclay”, “internationale avec les aéroports d’Orly et de Roissy”, “ouverte sur la mer”, grâce à l’alliance Paris/Rouen/Le Havre (“Réinventer la Seine”, cf. DIF 1250-1251) et “demain, l’axe Paris-Londres”.
“Sans remettre en cause la centralité parisienne”, Patrick Braouezec, président de Plaine Commune, déplore déjà l’emploi des termes de “2e et 3e couronnes”. La “métropole de demain” n’est pas “une question régionale, ni même hexagonale, mais internationale”, et doit être “inclusive”, pour répondre au défi climatique et à la question du logement notamment. Faire de cette métropole une réussite dépendra de “notre capacité à traiter des problématiques qui dépassent les fonctions administratives”, ajoute Jean-Louis Missika.
Les échelles et les rapports de forces ont changé. L’Etat-nation n’a plus autant de poids dans les flux économiques internationnaux, car la ville-monde prend le dessus. Une ville-monde attractive mais aussi solidaire, qui devra lutter contre les inégalités territoriales. Ce qui passera par la puisssance publique, incarnée par les maires, “sinon, ce serait surréaliste”, s’accordent à dire les intervenants. Bâtir “une métropole des projets”, grâce aux concours “Inventons la Métropole” ou “Réinventer la Seine” et donner, sur le papier tout du moins, la primeur aux élus locaux. “Nous ne devons pas nous déchirer sur la question du périmètre ou de la gouvernance, mais nous réunir autour des projets”, insiste Jean-Louis Missika.
“Pour éviter l’effet de seuil”, la métropole devra “trouver comment travailler, via ses quatre compétences que sont le logement, l’aménagement, les affaires économiques et l’environnement, avec les territoires frontaliers, sous forme de conventions par exemple”, affirme Patrick Ollier, président de la MGP.

Temporiser, mais pas trop
Entre l’adoption, en août 2015, de la loi NOTRe, et sa mise en application au 1er janvier 2016, dans un contexte de baisse des dotations de l’Etat, “les élus locaux demandent une pause”, signale Hervé Marseille, maire (UDI) de Meudon (92) et sénateur des Hauts-de-Seine. “Nous avons une métropole qui s’additionne ; nous avons tout conservé, et disposons de moins d’argent”. Les intercommunalités ont le PLU, les maires, le permis de construire, les EPT l’aménagement… “nous ne pouvons pas rester comme ça, il faut rétablir une cohérence entre toutes ces compétences”. Le maire est le premier contact du citoyen, “un élement de confiance” à conserver contre la défiance politique ambiante, fait-il savoir. “Les compétences doivent être partagées et non imposées par le haut”. “La métropole a été créée, aussi, parce que l’Ile-de-France était l’une des régions les moins solidaires. Maintenant, la question est de savoir comment cette Métropole arrivera à être solidaire en son sein et à l’extérieur ? Comment nous allons nous répartir les richesses, mais aussi les difficultés”, interroge, de son côté, François Pupponi, député-maire (PS) de Sarcelles (93). “Avec les nouvelles intercommunalités, il faut tout repenser, inventer des outils de péréquation notamment en vue de la loi de Finances 2017”, rappelle l’élu, qui se dit, par ailleurs, “optimiste”. “Laissez-nous respirer et créer”, demande enfin Patrick Ollier. La priorité est, pour l’heure, “de mettre la Métropole en fonctionnement”, en vue de passer en phase opérationnelle “d’ici à juin”, puis d’enclencher le travail de pédagogie citoyenne “dès septembre prochain”, informe le président de la MGP. Et ce dernier de rassurer le parterre d’élus venus écouter, Amif oblige : “le fait métropolitain est là, et ne peut se faire sans les maires”.

Grand Paris : comment éviter la centrifugeuse sociale ?
Le Grand Paris sera-t-il en mesure de résorber les inégalités, de ne pas en créer de nouvelles, tout en renforçant son attractivité ? En plein big bang institutionnel, la période semble charnière et le défi de taille. “En Seine-Saint-Denis, on a déjà vécu la centrifugeuse sociale”, a mis en garde Sylvie Thomassin, maire (PS) de Bondy (93) et secrétaire générale de l’Amif, à l’occasion de la conférence “1 Région-capitale, 1 280 territoires attractifs”, organisée le 14 avril. “On ne veut surtout pas reproduire vis-à-vis de la deuxième couronne ce que l’on a fait pour la première, ou cette fracture Est/Ouest”. Car si l’Ile-de-France est bel et bien attractive – c’est le premier bassin d’emploi européen, avec plus de 4 % du produit intérieur brut européen, une population jeune et une personne sur quatre âgée de moins de 20 ans, le second hub européen, au niveau ferroviaire et fluvial, etc. – les inégalités restent nombreuses, socialement et économiquement.

Derrière la Région, l’Etat
Pour relever le défi, Hélène Geoffroy a avancé des politiques et des outils nationaux afin de mieux aménager le territoire et de créer de la mixité sociale. “Pour définir une nouvelle géographie, la politique de la ville a adopté un critère unique : celui de la pauvreté”. La secrétaire d’Etat chargée de la Ville a également évoqué le projet de loi “Egalité et citoyenneté” qui, au titre de la loi SRU, s’engage pour davantage de logements sociaux dans les communes dites carencées. Elle s’est prononcée pour un “travail de proximité avec les maires”, prônant “la concertation, plutôt que la contrainte”. Pas d’attractivité sans accessibilité “Ce qui ne faut pas oublier, quand on évoque l’attractivité d’un territoire, c’est comment une ville se constitue : soit on réhabilite, soit on construit”, oppose, de son côté, Christian Robache, maire (UMP) de Montévrain (77) et trésorier de l’Amif. “Avec 225 logements par an, moi, je construis. Mais en France, quand on bâtit, on oublie souvent les infrastructures qui vont avec.
Les transports par exemple, c’est très important et on ne peut pas faire face à tout cela en tant qu’élu”. Un argument repris et approfondi par Sylvie Thomassin : “la mixité sociale ne se décrète pas, c’est la qualité de la ville qui la décide”. Les transports sont au cœur de l’attractivité d’un territoire et “l’écart entre le cœur de l’agglomération et les zones plus éloignées est encore trop important”, reconnaît Elisabeth Borne, présidente-directrice générale de la RATP. Avant d’énumérer la liste des investissements à venir sur les prochaines années : 8,5 Mde pour moderniser le réseau, prolonger quatre lignes de métro dont la 14, “colonne vertébrale du Grand Paris”, automatiser la ligne 4, améliorer le RER avec un budget d’un milliard d’euros, déployer la 3G et la 4G…
Vis-à-vis de la banlieue et de la grande couronne, Elisabeth Borne met en avant “des solutions innovantes adaptées à la densité des territoires. Il faudrait voir quelle ligne de bus mettre en place, directement avec les habitants. (…) Et ne pas raisonner que métro, RER, bus, mais permettre une succession de moyens de transport pour remplacer la voiture, comme le Vélib par exemple”. Car en matière de mobilité durable, les disparités entre centre-ville et périphérie sont tenaces. Si à Paris, la voiture est presque devenue un bien partagé, notammant chez les jeunes, en banlieue, elle est synonyme de liberté. “On met en place des itinéraires cyclables mais aussi des places de parking. Il faut accompagner ces changements, ne pas aller trop vite”, d’après la maire de Bondy.

Maintenir, même renforcer l’attractivité touristique
Président du comité régional du tourisme Paris Ile-de-France, et maire (LR) de Fontainebleau (77), Frédéric Valletoux s’est interrogé sur une meilleure répartition de la fréquentation. “On peut être fier que l’Ile-de-France soit devenue la première destination au monde mais on ne pourra pas concentrer les millions de visiteurs promis sur les mêmes lieux. Il y a les joyaux de la couronne : les grands palais, les musées, Versailles, etc… Mais aussi des nouveautés à créer”. Et de souligner l’importance de l’apport des investisseurs privés – comme les Villages nature de Disney, un complexe touristique d’un millier d’hébergements qui doit ouvrir dans un an en Seine-et-Marne -, le besoin de mieux diversifier l’offre de transports, quand “aller de Disney à Fontainebleau, c’est très compliqué, de Versailles à Fontainebleau, encore plus !”, et de clarifier l’organisation des acteurs du tourisme en privilégiant les circuits courts.
Autre challenge pour le tourisme francilien : faire rester les visiteurs plus longtemps, puisque leur séjour aujourd’hui est de très courte durée. “Nous valorisons une approche par thèmes. On lance, par exemple, un parcours “Impressionnistes”, réparti sur plusieurs lieux : bords de Seine, Normandie… C’est une approche qu’on peut développer sur d’autres thèmes”. Tourisme fluvial, canaux, arts de rue, patrimoine industriel… Les pistes évoquées sont nombreuses. “Nous lançons justement avec la ministre de la Culture, un travail de repérage et de réflexion là-dessus”, a conclu Hélène Geoffroy.

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