Attentats de Paris : des maires de banlieue face à l’islamisme radical

La Gazette des communes

Publié le 17/11/2015 • Par Cédric Néau, Isabelle Raynaud

Jean-Christophe Lagarde (UDI), maire de Drancy où a vécu l’un des terroristes du 13 novembre 2015, exige la fermeture des lieux de prière salafistes. Son collègue de Sevran Stéphane Gatignon (UDE) lui emboîte le pas.

« La situation est difficile » confesse, amer à La Gazette, Jean-Christophe Lagarde, maire (UDI) de Drancy. Pour lui, apprendre que Samy Amimour, un habitant de sa ville, est un des terroristes qui a tué 129 personnes le 13 novembre à Paris et Saint-Denis (93) n’est pas une surprise : « Mon bureau est un vrai confessionnal : nous connaissions le cas de ce garçon par sa mère. Nous avons alerté le préfet, les services de renseignement, mais nous ne pouvons pas aller plus loin », se défend-il.
A Courcouronnes, dans l’Essonne, où a vécu un autre terroriste islamiste, le maire, Stéphane Beaudet (LR), confie : « J’ai bien connu ce jeune. C’était un délinquant. Une petite frappe. Mais comment se rendre compte de sa radicalisation, qui d’ailleurs ne s’est pas faite à Courcouronnes ? Ce genre de travail ne fait pas partie de notre job de maire. »

Ciments de haine
Stéphane Beaudet a cependant identifié par recoupement un homme qui avait fait trois allers-retours en Afghanistan. Il l’a signalé au ministère de l’Intérieur. « Mais je ne sais pas ce qu’il a fait de cette information, car je l’ai recroisé plus tard dans la commune », raconte-t-il. « Notre rôle de maire est de favoriser le vivre ensemble, notamment par un travail colossal d’éducation, d’accompagnement de ces jeunes vers une école ou un boulot, mais je ne peux pas être à la place des parents pour voir ce que fait leur enfant sur le web à trois heures du matin », ajoute Stéphane Beaudet.
A Drancy, la situation apparaît plus claire. « Comme les personnes, les lieux radicalisés sont également connus des services municipaux de Drancy : « Nous ne pouvons toujours pas fermer les mosquées radicalisées, mais j’ai bon espoir que les choses changent », poursuit-il. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et le Premier ministre Manuel Valls veulent en effet engager « des démarches en vue de la dissolution des mosquées dans lesquelles des acteurs profèrent la haine ».

Rôle-clé des services publics locaux
« C’est un peu compliqué », nuance Stéphane Gatignon, maire (EELV) de Sevran (93) qui a également identifié sur son territoire un « lieu de prière » problématique. « Je comprends bien le besoin de surveillance pour identifier les personnes radicalisées, mais il faut maintenant le fermer », souhaite ce maire dont l’une des bibliothécaires municipale a été tuée avec sa fille au Bataclan.
Pour Jean-Christophe Lagarde, ces attentats ne vont pourtant pas changer son action : « Tous les jours nous faisons vivre des gens ensemble, nous organisons des passerelles entre eux avec nos services et acteurs sociaux ainsi que les associations que nous soutenons. »
Pour Stéphane Baudet, le sursaut passe par les écoles, dans les centres de loisirs. « Mais il faut se réinterroger sur l’idéal français ? Plus que la laïcité, c’est la liberté. »

Budgets en berne
Anne-Brigitte Cosson, présidente de l’Association nationale des assistants de service social (ANAS) se fait plus précise. « Les budgets sont coupés, des équipes démantelées partout en France », constate-t-elle. « Or, il n’y a pas de miracles face à la radicalisation. Il faut être présent, renouveler le lien social dans les lieux où, peut-être il n’y en a plus. Il faut un maillage du territoire et c’est là qu’il y a un déficit. »
A défaut de budgets supplémentaires, les mairies veulent insister sur les valeurs de la république et notamment le principe de laïcité : « Ce concept unique au monde n’est pas simple à faire comprendre à des gens qui viennent du Mali, d’Inde ou du Congo », souligne le maire de Drancy.
La charte éditée par l’Etat est expliquée en cours d’alphabétisation et elle est imposée aux agents du service public : « Il y a deux ans indique Jean-Christophe Lagarde, nous avons cessé de travailler avec une association qui n’avait pas exclu deux jeunes filles voilées du service civique. »

Retrouvez l’article sur : Attentats de Paris : des Maires de banlieue face à l’islamisme radical