Interview de François Durovray, président du Conseil départemental de l’Essonne (91) « Transport en Ile-de-France : la création de lignes de cars express pour améliorer le quotidien des habitants de la grande couronne. »

Interview de François Durovray, président du Conseil départemental de l’Essonne (91) « Transport en Ile-de-France : la création de lignes de cars express pour améliorer le quotidien des habitants de la grande couronne. »

Missionné par la présidente de la Région, Valérie Pécresse, François Durovray est chargé de créer un « vrai nouveau réseau de transport collectif » avec pour objectifs de rapprocher la grande couronne du centre de la Région capitale et d’améliorer la vie des Franciliens à la fois sur le plan économique et social, démocratique et écologique.

 
 

Vous avez participé aux Assises du financement des transports franciliens organisées par la Région. Quel était l’objectif de ce rendez-vous pour vous, en tant que président de département ?

L’objectif était de donner aux transports publics les moyens d’améliorer la vie quotidienne des Franciliens.

Ces Assises m’ont permis d’insister sur les enjeux d’investissement : nous devons investir massivement pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens. La réponse à la crise de pouvoir d’achat que nous traversons passe, pour partie, par le développement de l’offre de transports collectifs. Et ce, notamment pour proposer aux Franciliens des alternatives efficaces à la voiture individuelle.

Dès lors, l’augmentation de l’investissement et de la dépense publique ne doit pas être un gros mot.

L’Ile-de-France est une région riche, dans laquelle, chaque année, plus de 700 milliards d’euros de Produit intérieur brut (PIB) sont créés, et 43 à 44 milliards d’euros sont consacrés aux déplacements tous modes confondus. Je pense que demander 2 milliards d’euros supplémentaires pour faciliter la vie quotidienne de plus de 12 millions d’habitants est un niveau d’investissement qui doit être à notre portée.

“ Je propose la création d’une centaine de lignes de cars express pour transformer du temps long et contraint en temps utile pour les Franciliens. ”

Vous y avez défendu le sujet de l’offre de transports en grande couronne. Pourquoi ?

Je crois beaucoup à la politique de l’offre. L’enjeu est de développer les solutions de transport public dans l’ensemble de l’Ile-de-France. Nous devons continuer à massifier l’offre en priorisant désormais la desserte des territoires de la grande couronne. Après plusieurs décennies d’investissement dans le réseau de transport ferroviaire de l’hyper centre et de la petite couronne, nous devons désormais connecter la grande couronne aux infrastructures de mass transit.

J’y vois trois objectifs :

  • Un objectif écologique : un habitant de grande couronne fait en moyenne 4 fois plus de kilomètres par an qu’un habitant de Paris, et ces kilomètres sont effectués, pour la majeure partie, en voiture, faute d’alternative crédible.
  • Un objectif économique et social : les habitants de grande couronne qui n’ont pas d’autre choix que la voiture consacrent un budget transport bien supérieur aux Franciliens qui ont la chance d’avoir jusqu’à 10 fois plus de transports publics à disposition. Cela contribue à creuser les inégalités territoriales, notamment pour les ménages les plus modestes.

  • Enfin, c’est un objectif démocratique, car les habitants de grande couronne contribuent au financement du réseau de transports publics francilien et au développement du métro du Grand Paris Express au même titre qu’un Parisien ou qu’un habitant de petite couronne.

Justement, comment les ZFE sont-elles anticipées en grande couronne ?

Nous sommes collectivement tous favorables aux objectifs de la ZFE. Mais la réduction de la pollution à Paris (75) ne doit pas se faire au prix d’une nouvelle fracture territoriale, sans accompagner les Franciliens dans la transition écologique. L’enjeu ne doit pas être d’empêcher les voitures de rentrer à Paris, mais plutôt de réduire les flux à la source. Concrètement, en proposant des alternatives à la voiture individuelle depuis la grande couronne :

  • Une offre de transports publics fiable : profitons de la création des ZFE pour renforcer l’offre de transports publics.
  • Et pour ceux qui sont contraints d’utiliser la voiture, un accompagnement financier sur la transformation des véhicules et leur électrification.

Quelle solution proposez-vous pour relier la grande couronne au Grand Paris ?

Au regard des enjeux environnementaux et de pouvoir d’achat, nous devons agir tout de suite. Nous avons une chance inouïe : la route. Il y a 39 000km de route en Ile-de-France, dont 1 100km d’autoroutes, de routes nationales et de grandes routes départementales qui irriguent la région.

Cependant, il y a énormément de congestion puisqu’en moyenne, c’est une voiture avec 1,3 personne dedans qui circule. J’y vois donc l’opportunité de transformer et moderniser la route, avec deux axes de travail :

  • L’électrification de la route : demain, il faut que les véhicules qui circulent dessus soient des voitures, camions et bus propres.
  • La massification des usages de la route : plutôt que d’avoir beaucoup de voitures avec 1,3 personnes dedans en moyenne, nous pouvons décongestionner la route en plaçant des cars. C’est ce que nous appelons les lignes de cars express. L’idée du car, c’est de transformer du temps long et du temps contraint en temps utile : si l’on souhaite que les Franciliens abandonnent leurs voitures pour prendre le car, il faut leur promettre du temps utile pour travailler ou pour se divertir.

“ L’augmentation de l’investissement et de la dépense publique ne doit pas être un gros mot. ”

Vous allez d’ailleurs rendre un rapport prochainement sur la création d’un réseau de cars express, pourriez-vous nous en dire plus ?

J’ai en effet remis à Valérie Pécresse un rapport sur le sujet, le 20 avril, pour proposer à Ile-de-France Mobilités (IDFM) un réseau cohérent. J’identifie une centaine de lignes possibles en Ile-de-France pour relier les pôles d’habitat aux pôles d’emploi, aux infrastructures existantes (Grand Paris Express, RER), et aux corridors de transports existants comme les autoroutes. Une cinquantaine de lignes peut voir le jour, certaines de façon très rapide. Le conseil d’administration d’IDFM déterminera quelles lignes peuvent être créées très rapidement, d’ici 2024-2026, et dans quelle mesure IDFM peut s’engager sur la trentaine de lignes que l’on peut faire à horizon 2030.

Au vu des difficultés actuelles de financements des transports en commun, quel espoir que ces solutions puissent réellement voir le jour ?

Si on veut, on peut ! La grande couronne représente 45 % de la population francilienne et 90% du territoire francilien. Selon nos premières estimations, il faudrait 1 milliard d’euros pour créer les 50 voies express nécessaires et les gares routières sur 10 ans. C’est 40 fois moins que ce que l’on met sur le Grand Paris Express ! En fonctionnement, c’est de l’ordre de 100 millions d’euros par an sur un budget annuel d’IDFM de plus de 10 milliards d’euros, soit 1 %.

En tant que président de département, comment coopérez-vous au quotidien avec les communes ?

Les départements et les communes sont un couple historique.

Le couple département-commune se réinvente à travers trois sujets très concrets : le numérique, la production d’énergies renouvelables (EnR) et l’alimentation.

Dans un paysage institutionnel aussi mouvant qu’en Ile-de-France, je pense qu’il est très important que chaque niveau de collectivité (bloc communal, département, région) s’interroge et dialogue sur tous ces sujets de transformation.