Stéphane Beaudet : « Tous les territoires ne peuvent évoluer de la même façon »

Le Journal du Grand Paris

En marge de la campagne en vue des élections régionales, suspendue, Stéphane Beaudet, Président de l’Association des Maires d’Ile-de-France (AMIF), décrit une organisation territoriale inédite, invitant les communes à se réinventer. Sans esprit de système.

Comment, selon vous, les compétences entre la région et la métropole devront s’articuler ?
La loi NOTRe a considérablement renforcé les pouvoirs de la Région en matière de développement économique, de développement du territoire et de logement. En même temps, l’on a donné cette compétence à la métropole sans discussion préalable. En réalité, la question de la répartition entre les compétences de la région et celle de la métropole a été complétement occultée. C’est assez incroyable d’avoir ainsi créé un mastodonte, qui représente à lui seul 80% du PIB de la Région, 7 millions d’habitants, avec des compétences stratégiques éminemment importantes, sans se poser la question des compétences de la Région. Pour moi, comme pour de nombreux habitants, le territoire de la métropole, c’est l’Ile-de-France.

Avec quelle répartition des compétences ?
On a coutume d’affirmer que le millefeuille territorial constitue une spécificité française. C’est faux. Il existe aussi chez nos voisins européens. Ce qui, en revanche, est spécifique à la France, c’est la clause de compétence générale, que la loi NOTRe supprime en apparence, alors qu’en réalité, elle autorise tout. Cela fait dix ans que l’on supprime cette clause générale avant de la rétablir aussitôt. J’estime que la vocation internationale de la région est évidente. La vocation internationale des Etablissements publics territoriaux (EPT) ou des intercommunalités beaucoup moins.

C’est la métropole qui est en trop dans votre analyse, pas les établissements publics territoriaux ?
Je crois beaucoup, en effet, aux grandes intercommunalités. Parce qu’elles vont pouvoir porter des politiques stratégiques, notamment sur l’énergie, le traitement des déchets, l’électricité, ou la déclinaison locale de l’aménagement du territoire. L’idéal serait une organisation sans MGP, une région confortée dans son rôle de stratège international, avec un périmètre élargie. J’ai toujours défendu l’idée selon laquelle la Région devait recouvrir la zone Insee, autrement dit le bassin parisien, qui va jusqu’au Havre au Nord-ouest et qui s’étend, en fonction des territoires, sur un périmètre de 80 à 150 km autour de la région actuelle. Tout le monde reconnaît qu’il existe là une cohérence territoriale forte, une cohérence de bassin de vie réelle. Nous sommes la seule ville-monde qui n’a pas accès à la mer ! Je comprends la difficulté, en France, qui consiste pour un gouvernement, d’oser partir d’une feuille blanche pour réformer. Là, on a fait quelque chose de très français : c’est-à-dire que l’on a pris les régions qui existaient et on les a fusionnées. Hélas, cela ne veut rien dire. Est-ce que la carte des régions que l’on a dessinée il y a 30 ans demeure pertinente aujourd’hui ?
Avec des déplacements beaucoup plus rapides, internet ? … Si l’on avait prix une feuille blanche, on n’aurait jamais dessiné les régions françaises comme elles sont aujourd’hui. Il existe une autre difficulté : l’Ile-de-France aujourd’hui, c’est 24% de la population française, 29,7% de son PIB ; si l’on avait bâti une région à l’échelle du bassin parisien, on serait arrivé à 40% de la population française, 45% du PIB, sinon 50… générant par là un sentiment de déséquilibre. Et alors ? Puisque c’est justement la richesse francilienne qui tire le pays, qui permet la péréquation pour l’ensemble du pays. Donc pourquoi pas, si cela dynamise l’ensemble ?

Et les départements ?
Il n’y aura plus de place pour les départements quand les agglos auront atteint une taille plus importante. Or dans une dizaine d’années, les territoires intercommunaux de petite couronne regrouperont 600.000 habitants. En grande couronne, en zone périurbaine, on arrivera, à travers des pôles territoriaux que l’on voit déjà se dessiner, à cette même taille. Les départements vont bientôt commencer à rencontrer des difficultés insurmontables avec le croisement des baisses de dotations et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA de 10% par an. Leurs compétences sociales du département pourraient donc, à terme, être transférées à la métropole ou à ses territoires.

Il faut supprimer les départements ?
Pas forcément, mais alors spécialisons les. Faisons des départements qui ne s’occuperaient par exemple que du social, et que du scolaire. Au Canada, vous avez des conseils régionaux de l’éducation, entièrement dévolus à cette compétence. Toutes les strates éducatives sont portées par ces conseils régionaux. Je crois, de plus en plus, qu’il faut mettre fin au jacobinisme et à l’uniformisation des territoires. En dessous des territoires intercommunaux, il va falloir inventer. Cela passe par la commune nouvelle, ou encore par les communes anciennes mutualisées, qui deviendraient grosso modo des arrondissements de l’intercommunalité. Si je regarde comment cela fonctionne à Nice, où la métropole est particulièrement intégrée, la nécessité de construire des communes nouvelles ne se pose pas. Et il existe une troisième voie, nouvelle, qu’ouvre François Durovray en Essonne : c’est la question de la mutualisation, entre communes et départements, des politiques sociales par exemple. Il faut enfin que l’on accepte que tous les territoires ne peuvent avancer de la même façon.

Propos recueillis par Jacques Paquier

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