Sécurité : les édiles se retrouvent en première ligne

Les Echos

Les missions des équipes municipales dépassent largement le cadre de la prévention.

« Je veux réaffirmer la pleine et entière disponibilité des maires aux côtés de l’Etat, pour garantir la sécurité des Français. » Le 19 mai, à Matignon, le président de l’Association des maires de France (AMF), François Baroin, s’exprimait au nom de tous ses collègues élus locaux… Et rappelait combien en ces temps d’état d’urgence, l’heure est au consensus. Mais que peuvent les maires ? Le président de l’AMF était venu signer une convention de partenariat avec l’Etat pour la prévention de la radicalisation violente (lire ci-dessous). Le Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme présenté dix jours plus tôt par le Premier ministre annonçait déjà un rôle accru pour les collectivités, qui seront d’avantage associées aux cellules de suivi créées depuis avril 2014 dans les préfectures.

« Les annonces du 9 mai représentent un progrès très net en matière de reconnaissance du rôle des collectivités. Les attentats ont encore confirmé l’importance fondamentale de mener des stratégies de prévention à long terme « , note Elizabeth Johnston, déléguée générale du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU) qui réunit 130 collectivités locales, de toutes tendances politiques. Les choses ont beaucoup évolué depuis 20 ans, selon le président du FFSU, Roger Vicot, maire (PS) de Lomme (Nord), également coprésident du groupe de travail Sécurité et prévention de la délinquance de l’AMF. « Nous avons mis sur pied le concept de coproduction de la sécurité. Dans le cadre des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), le maire réunit autour d’une même table des éducateurs, les bailleurs sociaux, les compagnies de transport, la police… Et ce rôle de pivot est désormais reconnu « , explique-t-il. La prévention de la radicalisation va pouvoir s’appuyer sur les outils existants : un décret du 6 mai transforme les CLSPD en CLSPD-R, intégrant la prévention de la radicalisation parmi leurs missions.

Une collaboration difficile
Mais pour les maires, cette reconnaissance de leur rôle en matière de prévention ne suffit pas. « On ne fera pas l’économie d’un débat de fond sur les collaborations entre la police nationale et les polices municipales, car sur le terrain, les choses sont en train de se faire dans le désordre « , estime Roger Vicot qui rappelle que la sécurité est une fonction régalienne de l’Etat, qui doit garantir l’égalité de tous en la matière. Après la mort de la policière municipale Clarissa Jean-Philippe, à Montrouge, en janvier 2015, l’Etat a mis 4.000 armes à disposition des forces communales. La protection des agents a été mise en avant, mais ils sont d’autant plus exposés que leurs missions ont évolué. Il ne s’agit plus seulement de faire respecter les arrêtés du maire. « La police nationale et le préfet se reposent sur les maires pour assurer la sécurité dans nos villes », estime Dominique Bailly, maire (LR) de Vaujours (Seine-Saint-Denis), et président de la commission Sécurité de l’association des maires d’Ile-de-France (Amif). Les quinze agents de la police intercommunale de Coubron-Vaujours (12.000 habitants) sont ainsi « régulièrement sollicités « , insiste l’élu.

« On sent que l’Etat s’appuie sur les polices municipales, mais celles-ci ne peuvent aller au bout des missions qui leur sont désormais confiées », regrette Gaël Perdriau, le maire (LR) de Saint-Etienne, coprésident de la commission sécurité de l’association France Urbaine. Et de décrire des polices faisant des contrôles de circulation sans avoir accès au fichier des immatriculations, et devant patrouiller sans pouvoir effectuer de contrôle d’identité.

Les élus de France urbaine ont demandé rendez-vous aux ministres de l’Intérieur et de la Justice. Ceux de l’Amif préparent un Livre blanc pour la rentrée. La question du cadre législatif est posée mais aussi celle des moyens, à l’heure de la diminution drastique des dotations de l’Etat qui remettent en cause jusqu’aux missions de prévention. Pourtant tous les élus le rappellent : ils sont en première ligne et les administrés les interpellent au quotidien sur ces sujets. Le Premier ministre a annoncé une rencontre en septembre avec les associations d’élus.

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