7 propositions pour une politique de la ville au plus près des besoins des territoires

7 propositions pour une politique de la ville au plus près des besoins des territoires

Dans le cadre de la campagne présidentielle, l’AMIF attire l’attention des candidates et candidats sur la nécessité de faire de la politique de la ville un sujet de réflexion prioritaire pour en améliorer l’efficacité. Cette politique de cohésion urbaine et de solidarité doit s’adresser à la fois aux quartiers prioritaires, avec l’objectif d’en améliorer la situation et d’éviter tout décrochage, ainsi qu’à l’ensemble des territoires qui en ont besoin, en prenant en compte leurs dynamiques et en concertation avec les communes. En effet, le classement en géographie prioritaire obéit à des critères à un temps T et comporte des angles morts du fait de son manque de flexibilité.

 

 1. Pour mieux accompagner les quartiers pauvres ou en voie de paupérisation qui ne sont pas recensés dans la géographie prioritaire, de manière à agir le plus en amont possible.

Sont concernées les anciennes zones urbaines sensibles faisant l’objet d’une veille active [1] et les quartiers connaissant une dynamique de paupérisation, laquelle a pu être renforcée par les conséquences économiques de la crise sanitaire.

  • Etablir un recensement des quartiers pauvres et/ou en voie de paupérisation qui ne sont pas comptabilisés comme quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
    • Agir dans ces quartiers en mettant en place des politiques publiques ciblées (emploi, éducation, médiation sociale, prévention de la délinquance…) et en s’assurant que les dispositifs de droit commun y soient bien fléchés.
    • Mettre en place un suivi social des habitants qui quittent les QPV, notamment à la suite d’opérations de rénovation urbaine.

 

  • Développer des partenariats forts entre les différents acteurs des territoires, pour avoir une action publique pleinement efficace, comme cela est le cas pour les Cités éducatives et les Territoires zéro chômeur de longue durée.
  • Mettre en place des indicateurs de suivi des moyens engagés dans les quartiers prioritaires, au titre des dispositifs de droit commun et de la politique de la ville. Des indicateurs de suivi pourront également être mis en place dans les quartiers populaires hors QPV. Les données seront publiées par département et par commune.
  • Assouplir les procédures de réponse aux appels à projets pour permettre aux petites et moyennes communes ainsi qu’aux porteurs de projets associatifs de monter leur dossier dans les délais, et privilégier les fonds (plutôt que les appels à projets) pour mieux financer les projets des communes qui ont le plus de besoins sociaux.

 

 2. Pour une politique de santé adaptée aux difficultés des quartiers populaires et un meilleur accompagnement autour de la santé mentale.

  • Inscrire l’élaboration des Contrats locaux de santé (CLS), qui ont démontré leur efficacité durant la crise sanitaire, dans les objectifs des contrats de ville.
  • Engager une réflexion coordonnée entre élus, ARS et préfets pour toucher les segments de population non vaccinée, en s’appuyant sur les acteurs des territoires (travailleurs sociaux, enseignants, parents d’élèves…).
  • Développer des politiques de santé mentale adaptées dans les quartiers populaires et inciter à l’implantation de psychologues et de psychiatres dans ces quartiers. Intensifier le recrutement de psychologues dans les établissements scolaires.
  • Poursuivre le développement de services médico-sociaux tels que l’accompagnement à la parentalité et intensifier l’appui aux projets portés dans ce domaine.
  • Intensifier les politiques de prévention et de dépistage des infections sexuellement transmissibles, dont le VIH, notamment auprès des populations étrangères, particulièrement nombreuses dans les QPV. D’après Santé publique France, en 2005 les populations étrangères représentaient 5 à 6% des personnes résidant en France et 40% des découvertes de séropositivité.

 

 3. Pour donner au logement social les moyens d’être une véritable étape du parcours résidentiel des ménages franciliens.

  • Soutenir les aides à la pierre permettant de construire plus de logements sociaux.
  • Développer les aides pour la rénovation énergétique et la mise aux normes des logements dans les QPV pour les rendre plus attractifs et faire baisser les dépenses énergétiques.
  • Mettre un terme à la spéculation foncière : interdire la vente de terrains et de biens immobiliers avec une évolution supérieure à l’inflation (auxquels s’ajoutent éventuellement les coûts des travaux effectués).
  • Concernant l’abattement de 30% de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les bailleurs sociaux dans les QPV :
    • Le Premier ministre souhaite que l’exonération de la TFPB fasse l’objet d’une compensation intégrale de la part de l’Etat pendant 10 ans. L’AMIF salue cette mesure et demande à ce que le montant de la compensation de la TFPB soit calculé à partir de bases actualisées annuellement, pour que cette aide soit au plus près des réalités du terrain.
    • Au-delà du logement social dans les QPV, l’AMIF demande également la suppression de l’abattement de la taxe foncière pendant deux ans sur les constructions neuves.
  • Conserver les pourcentages d’attribution des logements sociaux des maires, ce qui garantit une mixité sociale, et travailler les autres attributions de logements en concertation avec les communes.

 

 4. Pour une politique éducative partenariale et offrant de la visibilité à l’ensemble des acteurs éducatifs.

  • Poursuivre le développement des Cités éducatives, et l’ouvrir aux territoires dont les établissements scolaires ne sont pas en REP et REP+ mais qui concentrent des difficultés. Pour cela, il est possible de prendre en compte d’autres indicateurs comme l’indice de positionnement social (IPS).
  • Etablir une évaluation complète de la politique d’éducation prioritaire et de la carte des REP et REP+, avec des indicateurs précis et transparents.
  • Pour être efficace, l’éducation prioritaire a besoin de stabilité, ce qui semble contradictoire avec la suppression de la carte des REP/REP+ prévue pour la rentrée 2022. Cette suppression, au profit d’une contractualisation au niveau de chaque établissement en fonction des projets de celui-ci, risque d’induire de la concurrence entre les établissements au détriment de la dimension sociale de l’éducation prioritaire.
  • Engager une réflexion sur les « écoles orphelines » qui, malgré une concentration de difficultés sociales, ne bénéficient pas de moyens supplémentaires de l’Education nationale, souvent parce que le collège auquel elles sont rattachées n’est pas en REP. Sur l’ensemble du territoire national, 500 écoles seraient concernées.
  • Pérenniser les dispositifs « Quartiers d’été », « Quartiers d’automne» et « Vacances apprenantes ».
  • Développer la mixité sociale dans les actions éducatives et de loisirs : intégrer dans les appels à projets les dispositifs ouverts sur l’ensemble de la ville, permettant aux habitants des QPV de sortir de leur quartier.

 

 5. Pour des politiques d’emploi mieux adaptées aux enjeux des quartiers populaires.

  • Réorienter les politiques d’insertion par l’activité économique de manière à accompagner les bénéficiaires vers des emplois pérennes.
  • Mieux intégrer l’économie sociale et solidaire dans les contrats de ville.
  • Veiller au bon équilibre territorial des Cités de l’emploi et en mettre aussi en place en-dehors des QPV, dans les quartiers pauvres ou en voie de paupérisation.
  • Généraliser les clauses d’insertion dans les marchés publics.

 

 6. Pour une réelle coopération institutionnelle dans le champ de la prévention et de la sécurité.

  • Avoir une vraie police de proximité, en articulation avec la police municipale lorsqu’il y en a une, avec des effectifs plus expérimentés et plus importants pour les interventions à caractère sensible.
  • Déployer des outils de coopération institutionnelle pour combattre les violences entre bandes et groupes rivaux.
  • Généraliser dans toutes les villes possédant des QPV les « bataillons de la prévention » (recrutement de médiateurs sociaux et d’éducateurs spécialisés).

 

 

 7. Pour des mesures fortes contre les violences intrafamiliales et la prostitution des mineurs.

  • Former l’ensemble des forces de l’ordre pour détecter et prendre en charge la question des violences intrafamiliales (violences faites aux femmes, violences faites aux enfants, violences homophobes).
  • Mettre en place des outils de coopération entre les collectivités et les différentes composantes de l’Etat (Education nationale, justice, forces de l’ordre…) pour :
    • Lutter contre la prostitution des mineurs (prévention, détection des situations de prostitution…).
    • Lutter contre les violences intrafamiliales (opérations de relogement sur d’autres communes pour la mise à l’abri, par exemple).
  • Intensifier la prise en charge sociale (incluant un volet santé) des femmes très vulnérables : femmes immigrées, femmes en situation de prostitution…

[1] La loi Lamy du 21 février 2014 a opéré un recentrage de la géographie prioritaire. On est ainsi passé de 2500 zones urbaines sensibles à 1500 quartiers prioritaires. Les 1000 quartiers, dont 144 en Ile-de-France, sortant de la politique de la ville font l’objet d’une veille ciblée, mais insuffisante.

Télécharger la tribune commune de l’Association des Maires d’Ile-de-France et de Ville & Banlieue