Stéphane Beaudet président de l’Association des maires d’Île-de-France

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À quelques jours de la vingtième édition du salon des maires d’Île-de- France, qui se tiendra à Paris les 12,13 et 14 avril, Stéphane Beaudet, président de l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF), revient en détail sur les particularités des communes franciliennes, leurs attentes et les défi s qu’elles devront relever dans un proche avenir.

Vous êtes à la tête de l’Association des maires d’Île-de-France depuis un an et demi, quels chantiers avez-vous mis en oeuvre ?
L’AMIF était l’un des interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics, j’ai souhaité en faire l’interlocuteur incontournable. À la fois lanceuse d’alerte et laboratoire d’idées, j’ai souhaité qu’elle
investisse tous les sujets qui intéressent les élus locaux. La baisse brutale et sans précédent de la dotation globale de fonctionnement (DGF) fait évidemment partie des préoccupations majeures des maires franciliens, puisqu’elle impacte toutes leurs prérogatives. C’est pourquoi nous avons été parmi les premiers à nous mobiliser pour demander au gouvernement
d’étaler la baisse de la DGF, de limiter les nouvelles dépenses obligatoires et de sanctuariser les recettes. Mais l’AMIF est également très active sur la réforme des rythmes scolaires, le développement du numérique, les compétences des maires en matière d’aménagement du territoire, de sécurité, d’environnement… Grâce aux 12 commissions thématiques,
qui vont du développement économique à la réforme territoriale en passant par les transports, nous donnons la possibilité aux élus locaux de renforcer leurs connaissances et compétences sur des sujets précis, tout en menant une réflexion de fond sur des sujets stratégiques. Complétées par des enquêtes que nous menons, ces commissions permettent de dégager des prises de positions et des propositions pour améliorer la qualité des services publics locaux et servir l’intérêt des territoires que nous représentons. À l’issue de ses séances 2015-2016, chaque
commission proposera des préconisations que nous remett rons aux autorités concernées. La région Île-de-France regroupe 1 280 communes dont une grande partie sont situées en territoire rural.

Comment conciliez-vous, au sein de l’AMIF, leurs intérêts avec ceux des communes urbaines ?
Il est eff ectivement important de rappeler que sur les 1 280 communes qui peuplent l’Île-de-France 70 % sont de type « rural ». Tout comme les communes urbaines, elles contribuent au
développement économique et à l’attractivité du territoire francilien, en étant porteuses d’innovations. L’Île-de-France est plurielle (territoire urbain, péri-urbain ou rural), mais je refuse d’entériner une Île-de-France à plusieurs vitesses. Pour prendre le pouls de notre région, il faut écouter le coeur de ses 1 280 maires. Chaque cadre de vie représenté est protégé
par notre association. Riche de cett e diversité, c’est dans l’unité que nous défendons nos valeurs ? Ainsi, les propositions que nous portons sont destinées à l’intégralité des communes franciliennes. Nous mett ons seulement l’accent sur les territoires ruraux, dans des cas bien particuliers comme les déserts médicaux ou le développement du numérique. Il n’est pas normal qu’il subsiste des zones blanches en Île-de-France alors que cette région représente 31 % du PIB national. Le développement de la fibre optique en zone rurale, comme en zone urbaine, fait
donc naturellement partie des combats de l’AMIF.

Quels sont les principaux défi s auxquels les maires d’Île-de-France devront faire face à court et moyen termes ?
Soyons clair, ils sont nombreux ! Le rôle de maire subit actuellement de profonds bouleversements. Avec la baisse des moyens alloués aux communes et la superposition des strates administratives, on nous demande de faire toujours plus avec moins, tout en réduisant nos marges de manoeuvre et en concurrençant nos compétences. Notre premier défi est donc de réinventer notre modèle. Avec pragmatisme, nous devons repenser nos méthodes et notre organisation pour conserver nos capacités d’action et continuer à développer un service public
de qualité. Tous les chantiers de l’AMIF s’articulent donc autour d’un objectif commun : accompagner la redéfi nition du rôle politique, social et économique du maire francilien.
Le maire, qui est un bâtisseur, a la charge de construire la ville de demain : intelligente, connectée et durable. Il doit pouvoir créer un polycentrisme correspondant au triptyque : développement économique, transports et logement. Pour y parvenir, il va falloir repenser l’échelon communal, le renouveler, l’inventer : renforcement et redynamisation
des territoires, fusion des communes et stratégies post-intercommunales… Chaque territoire empruntera une voie qui lui sera propre, mais déjà on voit se dégager une invention : la commune nouvelle. La Métropole du Grand Paris prend forme.

Comment les communes peuventelles peser dans la construction du projet métropolitain ?
Pour que les maires franciliens puissent peser dans la métropole du Grand Paris, représentant 80 % du PIB de la région Île-de-France et qui comprend plus de 7 millions d’habitants, il est impératif de clarifi er ses compétences et de redéfinir son périmètre. Pour de nombreux élus locaux, dont je fais partie, la réussite du Grand Paris passe par une approche
plus cohérente des territoires. Le territoire de la Métropole doit correspondre à celui de la Région, voire du Bassin parisien.

De la même manière, sont-elles impliquées dans le projet du Grand Paris express ?
Le Grand Paris Express ne pourrait pas exister sans un dialogue riche et fécond entre l’État et les élus, au premier rang desquels se trouvent les maires. Pour l’instant, les moyens colossaux dédiés au Grand Paris vont renforcer l’attractivité de la petite couronne, mais les franges de la grande Couronne pourraient en pâtir. Le plus grand gage de son succès réside dans un consensus solide. En aucun cas, les maires devront être placés en dehors du Projet. Ils doivent jouir d’une infl uence certaine au sein même de la Société du Grand Paris (SGP). Ainsi, je me réjouis que le député-maire d’Issy-les-Moulineaux et vice-président de l’AMIF, André Santini, préside le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris. Le conseil stratégique de la SGP, composé de l’ensemble des maires des territoires traversés par le réseau, a un rôle prépondérant dans la conduite du chantier. Il se réunit plusieurs fois par mois pour faire avancer
les enjeux d’aménagement, notamment autour des futures gares.

Quelle est la contribution des communes d’Île-de-France à l’attractivité du territoire francilien, premier bassin d’emploi en Europe, première région touristique… ?
Oui, l’Île-de-France pèse à elle seule 4 % du produit intérieur brut européen, devant le Grand Londres et la Lombardie, et elle est la métropole européenne accueillant le plus d’exposants, attirés par des foires et salons professionnels. Néanmoins, tous les territoires franciliens n’ont pas la même vitalité. Pour développer leur attractivité, il faut assurer le désenclavement de certains d’entre eux, par une politique de modernisation et d’extension des transports, et renforcer les pôles de compétitivité et l’implantation d’entreprises, tout en assurant la présence d’une économie de proximité diversifi ée au sein de chaque territoire. Chaque ville doit pouvoir s’insérer dans un bassin de consommateurs, résidents comme touristes, et s’ouvrir ainsi des perspectives économiques. C’est le combat quotidien de chaque élu francilien. Les villes franciliennes sont particulièrement touchées par le réchauffement climatique, la pollution.

Dans quelle mesure pourront-elles atteindre 100 % d’énergies renouvelables et 80 % d’émissions de gaz à effet de serre en 2050 ?
En novembre 2015, l’AMIF a mené une enquête portant sur Les maires d’Île-de- France et la COP 21. Cett e étude a démontré l’investissement des maires franciliens dans la lutte contre le changement climatique. Nous avons constaté que 100 % d’entre eux ont déjà adopté des mesures environnementales durables et espèrent élargir leur domaine d’intervention d’ici à 2020. Leur engagement se retrouve à différents niveaux : gestion économe de l’énergie dans les espaces publics, rénovation thermique des bâtiments, développement des transports doux, réintroduction de la biodiversité dans la ville… Donc, non seulement les maires ont la volonté d’att eindre l’objectif de 100 % d’énergie renouvelables et 80 % d’émissionsde gaz à eff et de serre en moins d’ici à 2050, mais ils ont déjà commencé ! Pour aller plus loin et remplir cet objectif, les maires auront besoin de davantage de moyens. Sur ce point, encore, l’État doit
prendre ses responsabilités. Votre association a récemment publié des propositions pour optimiser la réforme des rythmes scolaires.

Quels problèmes avez-vous identifi és et quelles solutions proposez-vous d’y apporter ?
La réforme des rythmes scolaires a soulevé de nombreuses diffi cultés pour les communes franciliennes. D’abord, nous avons pu constater que les nouvelles activités périscolaires (NAP) ont alourdi le budget dédié à l’éducation sans que l’augmentation des dépenses soit suivie d’aides proportionnelles pour les communes. Concernant les ressources humaines, le faible taux de candidatures, la diffi culté à former les agents et la faiblesse des rémunérations freinent la mise en place de la réforme. Au niveau des infrastructures, du transport et du tissu associatif sur lesquels les collectivités peuvent s’appuyer, la réforme a mis en avant de nombreuses disparités entre les territoires. Une première solution pour surmonter ces problèmes consisterait à accorder un délai d’un an supplémentaire pour la mise en oeuvre du PEDT. Les communes disposeraientainsi de davantage de temps pour trouver le consensus nécessaire entre les diffé
rentes parties prenantes. Ensuite, maires et professionnels de l’éducation et de la petite enfance ont constaté que la réforme n’était pas adaptée aux enfants de l’école maternelle : hausse de la fatigue, baisse de la concentration… Aussi, nous pensons que la réforme gagnerait à ne s’appliquer qu’aux écoles élémentaires.

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