28 mars 2022
Maire d’Evry-Courcouronnes (Essonne) et président de l’association des maires d’Ile-de-France, Stéphane Beaudet a signé voici deux mois une tribune avec une centaine de ses homologues franciliens. Il y demandait aux candidats à la présidentielle de présenter leurs mesures pour les quartiers prioritaires. Il regrette aussi que les propositions n’aient même pas été écoutées.
Il n’en fait pas une affaire de parti. « Il faut des propositions concrètes pour la banlieue, c’est urgent et vital pour les quartiers populaires, et nous pensons tous la même chose, que ce soit Philippe Rio (maire PC de Grigny), moi, ou tous les autres signataires », annonce Stéphane Beaudet maire sans étiquette (mais ancien LR) d’Évry-Courcouronnes. Et fin janvier, sous l’impulsion de l’association des maires d’Île-de-France (Amif) qu’il préside et de l’association des maires Ville & Banlieue, 103 élus ont signé une tribune appelant les candidats à l’élection présidentielle à proposer des solutions pour les banlieues. Les édiles franciliens ont également apporté des mesures qu’ils étaient prêts à présenter aux candidats. En vain. Ce lundi,
Pourquoi aviez-vous interpellé les candidats sur les quartiers prioritaires ?
STÉPHANE BEAUDET. Après une réunion de travail, on s’est dit qu’on ne pouvait pas laisser passer une nouvelle élection présidentielle sans que la question ne soit abordée. De quinquennat en quinquennat, les campagnes se délitent davantage. On aborde de moins en moins les sujets de fond. Et la banlieue est toujours la grande oubliée. On parle quand même de 8 millions de personnes. Et rien qu’en Île-de-France, il y a un million et demi d’habitants dans les quartiers populaires (272 quartiers prioritaires de la politique de la ville, répartis dans 160 communes). On a voulu jeter un pavé dans la mare. On a formulé aussi des propositions claires et on a demandé à être reçus par tous les candidats.
Et quel a été le résultat de cette tribune ?
Seul Jean-François Copé qui représentait Valérie Pécresse nous a accordés du temps et nous a écoutés. Et je ne dis pas ça parce que je suis proche d’eux. Mais comme il est maire de Meaux (Seine-et-Marne), il a les mains dans le cambouis, à la différence des autres. Donc il a conscience de l’enjeu que cela représente.
Aucun autre candidat ne vous a reçu ?
Non. Pas un seul. Et c’est dramatique. Et chacun continue son cirque sur les thématiques de l’immigration ou de la sécurité. Les millions d’habitants des quartiers populaires et de la banlieue n’intéressent pas les candidats. Les chaînes d’information sont aussi responsables. Depuis six mois qu’elles couvrent ces élections, elles n’ont pas posé une seule question abordant les problèmes rencontrés dans ces quartiers prioritaires. Le décrochage scolaire, les inégalités sanitaires. En moyenne, les habitants de ces quartiers difficiles ont trois ans d’espérance de vie en moins. Dans ma ville par exemple, les personnes vivant au Canal (un secteur sensible), vivront 3 ans de moins que ceux du centre-ville. Il faut se rendre compte de ça !
Qu’avez-vous proposé comme mesures ?
Il faut des moyens. Vraiment. En banlieue, les crédits exceptionnels des politiques de la ville ont juste remplacé le droit commun. Donc au lieu d’avoir des crédits venants du ministère de l’Intérieur ou de l’Éducation, on a ces aides de la politique de la ville, qui ne sont pas un supplément, mais remplacent simplement ces financements des ministères régaliens. Avoir un secrétaire d’État à la politique de la Ville qui n’a pas de pouvoir, et demande à un ministre de l’argent, ça n’a pas de sens. Il faudrait que tout se décide à Matignon. En 20 ans on a reculé dans tous les domaines. Pour prendre l’exemple de l’école, les primes pour les enseignants dans ces secteurs prioritaires se sont réduites, alors qu’on sait l’implication que cela demande par rapport à des secteurs plus huppés. On se retrouve avec des enseignants débutants, qui ne sont pas fidélisés et font une dépression 3 mois après leur arrivée. S’occuper de tout cela est une priorité.
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