Compte-rendu Matinale AMIF Partenaires : La restauration collective

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A l’heure du débat sur la refonte de notre agriculture française et suite au vote de la loi sur le gaspillage alimentaire par l’Assemblée nationale le 21 mai 2015, la gestion de la restauration collective par les communes représente un enjeu primordial.

C’est la raison pour laquelle l’AMIF Partenaires a travaillé avec les élus locaux sur le thème de la restauration collective par les communes, mardi 30 juin au centre d’affaire Paris Trocadéo.

Lors de cette Matinale, Eric Lejoindre, Maire du 18e arrondissement de Paris (DSP avec cuisine centrale) Michel Vialay, Maire de Mantes-la-Jolie (DSP de repas livrés) Carole Galissant, Présidente de la commission Nutrition du SNRC (Syndical National de la Restauration Collective) sont intervenus pour apporter leurs expériences et expertises sur la gestion de la restauration collective.

Pour tout savoir sur ce thème, retrouvez le compte-rendu de la Matinale ci-dessous :

Compte-rendu de la Matinale AMIF Partenaires du 30 juin 2015
La restauration collective : Quelle gestion pour nos communes ?

Animé par
M. Arnaud de ROQUEFEUIL, Vice-Président de l’AMIF Partenaires, Directeur du Développement chez Elior Restauration.
M. François GERMAIN, Administrateur de l’AMIF Partenaires, Directeur du Développement Adjoint chez Sodexo-Sogeres.

Interventions de
M. Stéphane BEAUDET, Président de l’AMIF, Maire de Courcouronnes (91), Conseiller Régional d’Ile-de-France.
M. Éric LEJOINDRE, Vice-Président de l’AMIF, Maire du 18ème arrondissement de Paris (75).
M. Michel VIALAY, Maire de Mantes-la-Jolie (78).
M. Rémi NOUAL, Adjoint au Maire délégué aux Finances et à la Certification des comptes de Colombes (92), Président du SIVU Co-Cli-Co, Directeur Général dune collectivité territoriale.
Mme Isabelle FLORENNES, Adjointe au Maire déléguée aux Affaires scolaires, à l’Action éducative et à l’Action périscolaire de Suresnes (92).
Mme Blandine GOUEL, Conseillère municipale déléguée à l’enseignement scolaire de Saint-Mandé (94).
Mme Carole GALISSANT, Nutritionniste au Syndicat National de la Restauration Collective (SNRC), membre suppléante du Conseil National de l’Alimentation (CNA).

 

Stéphane BEAUDET rappelle que la restauration scolaire représente une part importante du budget des communes. C’est pourquoi, il est essentiel de renforcer l’expertise des collectivités sur ce sujet. Cette Matinale a pour objectif de recenser les différentes pratiques existantes de gestion en restauration collective (régie, délégation de service public sans cuisine centrale ou avec cuisine centrale, syndicat intercommunal à vocation unique…). Elle confronte les expériences des élus de la Petite et Grande Couronne ainsi que celles des entreprises.

Arnaud de ROQUEFEUIL indique qu’un premier tour de table des intervenants sera effectué, puis les intervenants expliqueront leur choix en matière de gestion de la restauration collective, avant qu’un débat ait lieu.

Pour Daniel VAILLANT, ancien Maire du 18ème arrondissement, Député de Paris, la restauration scolaire est un véritable service pour les familles, qui ne doit pas faire les frais de restrictions budgétaires même en période de crise. Il souligne que la délégation de service public a été difficile à instaurer mais qu’elle est désormais acceptée. Il considère la restauration scolaire comme un sujet d’ordre social, éducatif et culturel.

Selon Isabelle FLORENNES, 5 000 enfants sont scolarisés sur la commune de Suresnes et 4 500 déjeunent dans les établissements scolaires, ce qui représente un taux de fréquentation d’environ 86%. 5 000 repas sont distribués par jour, si on compte ceux servis dans les écoles, crèches et restaurant du personnel. Depuis les années 1980, Suresnes a choisi de fonctionner en régie directe sur plusieurs sites. Les repas sont préparés par des agents de la collectivité sur le lieu de distribution. En 2011, la construction d’une cuisine centrale, respectant les normes de haute qualité environnementale (HQE), a permis à la commune de centraliser sa production sur un même lieu. Les repas sont ensuite acheminés dans les établissements. Cette gestion implique une masse salariale importante et un coût : 65 agents en cuisine centrale, 28 agents sur place, 7 agents administratifs et 1 chef de service.

5 000 enfants sont également scolarisés sur la commune de Mantes-la-Jolie, mais seulement 1 600 déjeunent profitent de la restauration scolaire, ce qui représente néanmoins 1/3 des enfants. Michel VIALAY indique que cette situation est liée à l’organisation familiale des habitants. Depuis 1997, les repas sont livrés par un délégataire de service public. Ce choix répond à 3 nécessités :
➢ L’investissement économique : la mise aux normes des cuisines était trop coûteuse d’une part, la nécessité d’une tarification plus sociale d’autre part.
➢ La professionnalisation du personnel qui prépare les repas.
➢ Miser sur la qualité et l’apprentissage : produits bios issus de l’agriculture environnante, découverte de goûts nouveaux, tri des déchets pour éviter le gaspillage.

14 000 repas sont distribués dans les 70 établissements scolaires que compte le 18ème arrondissement de Paris. Disposant d’une cuisine centrale, la nourriture est réchauffée directement sur les lieux de distribution. Éric LEJOINDRE souligne l’investissement du 18ème dans l’alimentation biologique. Les produits bios représenteront 50% des produits servis avant la fin de la mandature. La Caisse des écoles fixe les tarifs par établissement en fonction de nombreux critères, dont les revenus par ménage.

Rémi NOUAL partage l’expérience de Colombes qui a su mutualiser le service de restauration collective avec une de ses communes voisines, Clichy-la-Garenne, grâce au Syndicat intercommunal à Vocation Unique (SIVU) Co-cli-Co . Auparavant, la commune disposait d’une cuisine centrale qui livrait uniquement les écoles de son territoire. En 2012, la création d’une structure intercommunale a permis d’offrir de nouveaux services aussi bien pour les établissements scolaires et municipaux, les crèches collectives que pour des prestations à domicile notamment en direction des seniors. L’établissement prépare 15 000 repas par jour livrés à 94 endroits différents, soit 3 millions de repas par an. Les investissements engagés permettent aux deux communes d’économiser sur les modes de stockage et de livraison. L’établissement emploie aujourd’hui 72 personnes.

Caroline GALISSANT se réjouit de la diversité des personnes présentes et de la qualité des interventions, car la restauration scolaire reste un domaine aux enjeux multiples. Chaque commune dispose de son propre mode de fonctionnement, il est donc intéressant de constater que le choix est davantage politique qu’économique. La réglementation est draconienne et a fortement évolué ces 20 dernières années. Les modes de consommation changent, certaines pratiques aussi. L’instance consultative indépendante pour lequel elle travaille entend définir un cadre réglementaire répondant à l’intérêt général.

Créé en 1985, le Conseil National pour l’Alimentation (CNA) publie des avis dans le domaine alimentaire et se compose de producteurs, de fournisseurs, de industriels et de consommateurs. Il permet de dégager un consensus. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs travaux sur le thème de la restauration scolaire ont déjà été entamés :
➢ 1994 – Avis n°15 « Restauration scolaire du premier cycle » : Le CNA considère que l’éducation alimentaire dès le plus jeune âge favorise les habitudes alimentaires à l’âge adulte.
➢ 1997 – Avis n°18 « Les repas servis en restauration scolaire » : Le CNA émet des propositions afin d’améliorer la qualité nutritionnelle des repas servis en restauration scolaire
➢ 1999 – Avis n°24 « La place de l’éducation alimentaire dans la construction des comportements alimentaires ». Le CNA apporte des solutions pour assurer des comportements alimentaires éclairés.
➢ 2004 – Avis n°47 « La restauration scolaire (avis révisant ceux antérieurs).»

Les documents produits par les instances ministérielles

Caroline GALISSANT rappelle que le document interministériel, publié en 2001 par le Groupement Permanent d’Etude des Marchés de Denrées Alimentaires (GPEMDA) , reprend l’essentiel des recommandations en matière d’équilibre nutritionnel.
➢ Le document a ensuite été mis à jour et résumé par le Groupe d’étude des Marchés Restauration Collective et Nutrition (GEMRCN) en 2007. Les conclusions de ces rapports ont donné une vision globale de la restauration collective. Les conditions dans lesquelles le repas doit être consommé (le lieu et le personnel encadrant) deviennent aussi importantes que les qualités nutritionnelles des repas.
➢ Le lancement du programme national de nutrition santé (PNNS) en 2001 et le Programme National pour l’Alimentation (PNA) en 2014 ont également contribué à l’avancement de ces travaux.
➢ Enfin, l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire synthétise les recommandations et présente un tableau de fréquence des grammages pour les enfants de la maternelle au lycée. Dans les années 2000, l’organisation de la restauration scolaire a donc évolué.

Toutefois, le Conseil National pour l’Alimentation constate que l’ensemble des recommandations prodiguées dans les différents rapports n’ont pas forcément été suivies par les collectivités. Elles étaient seulement utilisées pour la construction du cahier des charges, notamment pour les questions de grammage ou l’avertissement sur certains produits allergènes.

En 2014, la création du groupe de travail « Les enjeux de la restauration collective en milieu scolaire » a permis de confronter l’instance consultative avec la réalité du terrain. Regroupant 84 membres et des acteurs variés, telles que des collectivités territoriales ou l’Education nationale, le CNA a rappelé que la restauration collective n’était ni un acquis, ni une obligation. Ce groupe est présidé par le sociologue Jean-Pierre CORBEAU, l’étude des comportements alimentaires des jeunes justifiant la présidence d’un sociologue.

Aujourd’hui, les enjeux de la restauration collective concernent :
La santé publique : faciliter l’accès à une alimentation riche et de qualité. La restauration scolaire et collective reste parfois le seul repas de la journée notamment pour les enfants issus de milieux défavorisés. L’enfant est mis au cœur du débat.
La justice sociale : lutter contre les inégalités sociales.
La citoyenneté : rester un lieu de service public qui accepte le partage et les pratiques culturelles multiples.
Le développement : mettre en avant les produits locaux.
L’environnement : lutter contre les gaspillages, trouver des alternatives d’approvisionnements écologiques.
L’éducatif : remettre l’agriculture au cœur du débat notamment en milieu urbain où les enfants sont éloignés du milieu agricole et rassurer le consommateur.

Caroline GALISSANT estime que les pratiques alimentaires ne sont pas forcément identiques sur l’ensemble du territoire et que la qualité varie d’un prestataire à un autre.
A la fin de l’année 2015, le CNA publiera un avis sur les allergènes chez les enfants.
La salle s’interroge sur l’efficacité des exigences réglementaires et des grammages minimum prodigués par les différents rapports pour les besoins de l’enfant et à sa capacité d’ingestion.

Caroline GALISSANT considère que l’ensemble des documents qu’elle a énuméré ne sont plus discutés. Des études approfondies ont établi des tableaux de fréquence et le grammage. Selon eux, un enfant ne peut ingérer plus de 300/350 grammes par repas. Le passage de 5 à 4 composantes obligatoires a donc été jugé nécessaire pour éviter le gaspillage.

Le gaspillage reste une problématique importante en milieu scolaire.

On estime que 120 g sont jetés par enfant à chaque repas, ce qui représente une perte de 20 tonnes par an pour un établissement de 350 couverts journaliers. Selon l’intervenante, si le personnel encadrant ne sensibilise pas davantage les enfants, de meilleurs résultats ne pourront pas être obtenus. Actuellement, le CNA travaille sur ces questions et des propositions, comme l’économie circulaire, seront soumises dans le cadre du COP21 qui se tiendra en novembre et décembre prochain à Paris.

Arnaud de ROQUEFEUIL ajoute que depuis quelques années, certaines communes réfléchissent à inscrire dans le cahier des charges l’obligation d’accompagner les enfants pendant le temps du repas, compétence non obligatoire exercée par la Ville. L’encadrement passe par un travail de sensibilisation au tri des déchets et au gaspillage alimentaire. L’ensemble des problématiques relatives à la restauration collectives sont susceptibles d’évoluer. Il rappelle que si le bio a largement investi la restauration scolaire, ce n’était pas le cas il y a encore 10 ans.

Blandine GOUEL intervient également sur la question du gaspillage. Les 1 700 élèves scolarisés sur la commune de Saint-Mandé déjeunent au sein des établissements scolaires. Depuis 20 ans, la commune a choisi de faire appel à une délégation de service public avec des repas livrés directement sur les lieux de distribution. Une commission des menus se tient tous les deux mois pour déterminer les aliments qui seront servis aux enfants. 5 composantes sont servies, 4 sont obligatoires, ce qui permet de s’adapter aux besoins nutritionnels de l’enfant. Mais 100 g de déchets sont à déplorer par enfant et par repas. Lors du renouvellement du marché public en 2013, une concertation avec les parents d’élèves a permis d’identifier la gestion des déchets comme une préoccupation des administrés. Des activités d’encadrement ont été engagées dans cette optique : les animateurs sont présents sur les temps de repas des enfants, ils les incitent à moins gaspiller, des bornes de tri ont été placées dans les restaurants scolaires.

Depuis 2013, la commune s’engage dans la méthanisation pour la gestion des déchets alimentaires. Ce processus permet de récolter 36 000 litres de bios déchets, 6 339 kilowatts d’énergie renouvelable et 25 tonnes d’engrais naturels. Arnaud de ROQUEFEUIL regrette que la France soit en retard sur cette question. L’Allemagne possède déjà plus de 1 000 méthaniseurs. Cette solution semble être un bon compromis pour pallier au problème de déchets et peut s’étendre à l’ensemble des formes d’organisation de restauration scolaire. Il reconnait cependant que ce système est difficilement applicable sur l’ensemble de l’Ile-de-France avec des communes fortement éloignées les unes des autres.

Michel VIALAY estime nécessaire de donner la compétence du traitement des déchets à un prestataire extérieur qui ferait l’objet d’un contrôle régulier. Les circuits courts-bios fonctionnent plutôt bien sur son territoire ce qui lui permet de travailler avec les producteurs locaux.

Isabelle FLORENNES oriente davantage le débat sur l’utilisation du bio sur les restaurants collectifs de sa commune. Dans 4 des 19 lots de Suresnes, des produits issus de l’agriculture biologique sont proposés. Actuellement, une composante bio est présente à chaque repas ainsi qu’un repas végétarien par semaine. Néanmoins, dans certains pays, aucun contrôle sur la qualité biologique du produit n’est effectué. Dans tous les cas, la présence d’une cuisine centrale permet néanmoins de garder le contrôle sur la fabrication des repas. Depuis la réforme des activités périscolaires, des ateliers cuisine sont proposés aux enfants par le personnel encadrant.

Arnaud de ROQUEFEUIL confirme qu’avoir recours à l’agriculture biologique nécessite essentiellement des circuits courts. Or la multitude de circuits possibles est difficilement applicable sur le territoire francilien compte tenu des coûts d’approvisionnements.

Pour Éric LEJOINDRE, le personnel encadrant les enfants est de plus en plus professionnel. Les ateliers autour du bio et du gaspillage sont d’ailleurs largement appréciés par les enfants. La mise en place d’établissements pilotes permet de définir une alimentation plus saine et permet de limiter le gaspillage. Rémi NOUAL confirme que l’amélioration de l’encadrement apporte des résultats positifs en terme de gaspillage. Il termine en rappelant qu’un bon environnement pendant le temps de restauration est vital pour l’épanouissement de l’enfant.

Retrouvez le compte-rendu de la Matinale en pdf ci-contre : CR Restauration scolaire

Compte-rendu Matinale AMIF Partenaires : La restauration collective