Interview de Caroline Cayeux, présidente de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) –  » Nous sommes une courroie de transmission appelée à tourner de plus en plus vite « 

Interview de Caroline Cayeux, présidente de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) –  » Nous sommes une courroie de transmission appelée à tourner de plus en plus vite « 

Alors que l’Agence nationale de la cohésion des territoires vient de souffler sa première bougie, sa présidente, Caroline Cayeux, dresse un premier bilan.

La crise sanitaire a-t-elle entravé le travail de l’ANCT ?

Cela n’a pas toujours été simple mais entre deux confinements, nous avons beaucoup travaillé avec le directeur Yves Le Breton qui a eu le temps d’aller rencontrer tous les préfets de région pour les familiariser avec la structure de l’Agence. Je suis également beaucoup allée sur le terrain, dans des communes et des départements, un peu partout en France afin de rencontrer les élus locaux et les parlementaires. L’organisation de l’Agence renforce les préfets de département, qui sont aussi les délégués territoriaux de l’Agence.

Avez-vous pu lever les inquiétudes des élus qui, à la création de l’Agence, doutaient de son utilité ?

Absolument, et il n’est pas inutile de rappeler les difficultés que nous avons rencontrées alors que l’Agence venait à peine d’être créée. Et parmi ces difficultés, il faut citer le scepticisme de certains élus qui pensaient que c’était  » un machin  » supplémentaire qui n’allait pas servir à grand-chose. Mais le travail de pédagogie que nous avons entrepris avec le directeur de l’Agence, Yves Le Breton, a porté ses fruits notamment après des parlementaires. Lors de ma dernière audition au Sénat, les sénateurs ont bien compris que nous pouvions être une sorte de couteau suisse capable de faire du sur-mesure et que notre finalité était non seulement de répondre aux attentes des élus locaux mais de faire avec eux, un peu sur le modèle du programme  » Coeur de ville « .

L’ANCT agit également en faveur de la politique de la ville avec de nombreux dispositifs que je me suis efforcée de mobiliser et de rendre le plus efficaces possibles. La politique de la ville, c’est aussi la réussite éducative, le cadre de vie… en bref, c’est tout un ensemble de dispositifs que nous pouvons faire travailler ensemble. Et c’est cela qui est important, la transversalité, qu’il y ait une clé d’entrée qui est le préfet du département et qu’on puisse décliner les différents dispositifs. On s’aperçoit que le guichet unique, c’est ce qui fonctionne le mieux !

Aujourd’hui, sur un certain nombre de projets, ce sont les élus qui nous sollicitent pour que nous les aidions à les mettre en oeuvre. C’est le cas pour l’implantation des Maisons France Services, ou la réalisation d’audits d’ingénierie comme ce fut le cas à Lannion sur le site Nokia, ou encore à Béthune avec la fermeture du site de Bridgestone. Dans ce dernier cas, nous avons aidé le maire à conduire une étude de revitalisation de la friche industrielle qu’il allait avoir à gérer. Nous lui avons accordé un gros budget afin de mener un audit de réindustrialisation du site.

Après un an d’activité, quelles sont les communes les plus demandeuses d’accompagnement de la part de l’ANCT ?

Avec les deux programmes,  » Coeur de ville  » et  » Petites villes de demain « , nous pouvons répondre aux besoins de communes de toutes tailles. Avec une mention spéciale pour le programme  » Petites villes de demain  » qui est 100% ANCT !

Mais nous soutenons et accompagnons aussi des départements avec lesquels nous avons conventionné. La formule est souple, au cas par cas, c’est du cousu main comme le dit souvent la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, afin de répondre aux attentes des élus locaux.

Justement, concernant le programme  » Petites villes de demain « , où en êtes-vous ?

 » Petites villes de demain  » a démarré très récemment mais de façon très encourageante. Le programme a pour but d’aider les communes de moins de 20 000 habitants qui exercent des fonctions de centralité au sein de leur territoire à redynamiser leurs commerces de centre-ville, à lancer des programmes de logements en partenariat avec l’ANAH entre autres…

Pour ce programme, ce sont les préfets de région qui sont à la manoeuvre alors que pour  » Coeur de Ville « , ce sont les préfets de département.

Les préfets de région avaient jusqu’à la fin 2020 pour proposer des listes de communes et les dernières ont été enregistrées en décembre.

Le quota initial est de 1 000 villes pouvant être sélectionnées et elles ont quasiment déjà toutes été désignées !

En Ile-de-France, il y en a 40 (10 en Essonne, 15 en Seine-et-Marne, 10 dans les Hauts-de-Seine et 5 dans le Val d’Oise).

Les préfets de région ont sélectionné en priorité des villes qui présentaient certaines difficultés afin de dynamiser leurs projets. L’opération est dotée d’un budget de 3 milliards d’euros sur six ans. Les fonds sont apportés par l’Etat et différents partenaires : Banque des territoires, Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’Agence Nationale de l’Habitat… Bien sûr, les villes sélectionnées dans le programme  » Coeur de ville  » ne sont pas éligibles à ce dispositif.

Au lancement de l’ANCT, il a été annoncé la signature de convention de partenariats avec 5 partenaires clés. Où en êtes-vous de la signature de ces conventions ?

Toutes les conventions ont été signées avec le Cerema, l’Ademe, l’ANAH, la Banque des Territoires et l’ANRU. Elles permettront une collaboration durable et ce afin de mieux conseiller et accompagner les collectivités locales dans la conception de leurs projets. Elles bénéficieront de l’appui des services de l’Etat, d’une mise en réseau de l’ensemble des acteurs nationaux et locaux engagés dans la revitalisation et d’une offre d’aides financières. Les financements qui leur sont alloués dans ce cadre visent à confronter leur rôle de centralité et à renforcer le maillage du territoire pour faire face aux enjeux économiques, démographiques et sociaux à venir.

Quel sera le rôle de l’ANCT dans la mise en oeuvre du plan de relance ?

Cela passera évidemment par les territoires et par les programmes d’appui nationaux existants qui portent les crédits de la relance, comme « Territoires d’industrie » qui va permettre de faciliter les relocalisations industrielles et pour lesquelles il y a un fonds de 400 M€ qui a été créé sur la période 2020/2022. Le programme vise à apporter, dans et par les territoires, des réponses concrètes aux enjeux de soutien à l’industrie : développement des compétences dans le bassin d’emploi, mobilité des salariés, disponibilité du foncier pour s’implanter ou s’agrandir.

L’ANCT met aussi son expérience et ses ressources au service de la mise en place des contrats de relance et de transition écologique : ces nouveaux contrats sont un moyen clé d’amener la relance au coeur des territoires. L’Agence pilote donc leur élaboration et leur conduite dans chaque département.

Où en est le déploiement des Maisons France Service ?

65 Maisons France Service ont été labellisées en Ile-de-France pour un total de 850 sur l’ensemble du territoire. Ce guichet unique rassemble 9 partenaires de l’État : La Poste, Pôle emploi, Cnaf, Cnam, Cnav, MSA, ministères de l’Intérieur et de la Justice, Direction Générale des Finances Publiques. D’autres partenaires viennent s’y greffer. Mais les Maisons France Service sont aussi des espaces d’innovation dans lesquels les collectivités peuvent proposer des services complémentaires comme des formations afin d’accompagner et d’aider les personnes qui ne sont pas à l’aise avec les outils informatiques. Ou même proposer des services culturels, économiques ou éducatifs.

Un an après le lancement de l’ANCT, les élus que vous rencontrez sont-ils désormais convaincus de son utilité ?

Ceux qui ont demandé quelque chose ont été satisfaits ! Ceux à qui nous avons apporté la preuve de l’utilité de notre action sont convaincus. À titre personnel lorsque je me rends dans une commune, ou un département, pour rencontrer des élus et que je passe une journée à travailler avec eux – ce que je fais très régulièrement – je fais très attention à donner une suite à ces rencontres. Et c’est tout l’intérêt de l’Agence, que ce soit des élus qui siègent au Conseil d’administration et qui nous font remonter du terrain ce qui ne va pas, ce qui coince… ce qui nous permet ensuite de corriger le tir en interne et de demander à nos différentes directions d’être les plus agiles et les plus rapides possible. Quand je vais en région pour présenter l’Agence à un groupe d’élus locaux, ils comprennent assez vite le parti qu’ils peuvent tirer de l’ANCT.

Qu’avez-vous envie de dire aux élus d’Ile-de-France au terme de cette première année d’existence de l’ANCT ?

Je veux leur dire que l’ANCT, c’est du concret ! Ce n’est pas un instrument techno déconnecté du terrain ; c’est un établissement administré par 10 associations d’élus ou 4 parlementaires notamment, en prise quotidienne avec les préoccupations et attentes des territoires.

Je dirais que le défi de la création de l’Agence est en passe d’être réussi. C’était un défi parce que nous sommes un ensemblier de politiques publiques et en tant que présidente, j’ai bien l’intention d’être le plus efficace possible ! Le directeur Yves Le Breton est sur la même ligne et nous avons au sein de l’Agence des chefs de service de très grande qualité qui nous permettent d’être à l’écoute et de répondre positivement aux élus. Pour ce qui me concerne, je vais continuer à aller sur le terrain pour rencontrer les élus locaux. Notre toile se tisse et nous avons beaucoup de demandes

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