Interview d’Éric Freysselinard, directeur du nouvel Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI)

Interview d’Eric Freysselinard, directeur du nouvel Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI) –  » Le principe de la session nationale Sécurité-Justice est de sensibiliser et de former les participants – dont les élus – aux questions de sécurité et de justice en créant un esprit de cohésion « 

Cet institut de service à compétence nationale (SCN) est né de la rationalisation et de la réorganisation des formations en sécurité intérieure voulue par le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur. La direction de ce nouvel institut qui regroupe les compétences de l’INHESJ1 et du CHEMI2 a été confiée au préfet Eric Freysselinard, qui nous en présente les principales caractéristiques.

 
 

Qu’est-ce que l’IHEMI ?

L’IHEMI est né de la fusion entre l’INHESJ et le CHEMI. Nous conservons les missions et les thématiques de ces deux établissements que nous allons continuer à développer et à enrichir. Nous avons donc trois missions principales :

  • La formation continue par l’organisation de sessions nationales et de cycles qui durent dix mois ;
  • L’offre de formations courtes, ciblées et opérationnelles ;
  • Des activités de recherche dans les domaines relevant de la sécurité.

À quoi sert ce nouvel institut et quel est son rôle ?

L’IHEMI est un organisme qui relève du ministère de l’Intérieur mais dont la vocation reste interministérielle. Nous gardons des liens forts avec le Ministère de la Justice notamment en publiant chaque trimestre « les Cahiers de la sécurité de la justice ». Nous sommes installés à la fois dans les locaux de l’École Militaire avec qui nous avons un partenariat, et à Maisons-Alfort dans les anciens locaux du CHEMI. Nous avons aussi un partenariat avec l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

Concernant nos activités de recherche, nous sommes en lien avec le CNRS et l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour le financement de certains travaux. Ainsi, pour la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), nous travaillons sur le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) afin d’analyser les différents types de radicalisation, ce qui nous permettra de donner des outils aux décideurs.

La radicalisation dans le sport

Par ailleurs, nous venons de lancer une étude sur la radicalisation dans le sport à la demande des ministres Marlène Schiappa et Roxana Maracineanu. Nous allons réaliser des études dans des clubs afin de mesurer l’interaction entre sport et radicalisation, en vérifiant par la recherche si le lien est ou pas existant….

Être prêts le moment venu !

Il ne vous a pas échappé que les crises se multiplient, s’enchaînent et parfois se superposent comme en ce moment, nous avons lancé au début de cette année 2021, à la demande du ministre Gérald Darmanin, un observatoire d’analyse et de prospective de la crise qui a pour vocation de proposer une vision prospective sur les crises à venir, pour être prêts le moment venu.

Nous travaillons aussi sur la prévention de la délinquance, sur les relations police/population, et préparons pour le mois d’octobre prochain un colloque au Sénat sur la sécurité dans la ruralité qui devrait intéresser l’AMIF et ses adhérents.

Quelles sont les formations accessibles aux élus ?

Nous avons trois sessions nationales ouvertes au public. La session « Sécurité et justice », la plus ancienne et la plus connue, existe depuis 30 ans et grâce à elle, nous ouvrons les portes du monde de la sécurité et de la justice à nos auditeurs curieux d’améliorer leurs savoirs dans ces domaines. Viennent ensuite les sessions nationales « Protection des entreprises et intelligence économique » et« Management stratégique de la crise », qui sont toutes deux certifiantes (Titre 7 RNCP).

Des formations exigeantes et réputées

Nos formations sont exigeantes mais elles sont aussi réputées et très courues, et nous souhaitons accueillir encore davantage d’élus parce que la mixité professionnelle est très importante pour la richesse des échanges et des travaux. Ces formations peuvent tout à fait intéresser un maire ou un adjoint à la sécurité.

Comment se déroule un cycle de formation ?

Une session nationale rassemble environ 90 personnes de septembre à juin à raison de 2 à 4 jours par mois. Elle regroupe aussi bien des colonels des armées, de la gendarmerie, des commissaires divisionnaires, des cadres de la sécurité du privé, des magistrats, des journalistes et des élus locaux ou des parlementaires.

Un esprit « promo »

Le principe de nos sessions est de sensibiliser et de former les gens aux questions de sécurité, mais aussi de créer un esprit de promo. D’ailleurs, pendant la formation, un voyage est organisé et bien souvent des années après, les personnes qui ont participé aux sessions en parlent encore et ont gardé des liens très forts.

Concrètement, nous proposons des conférences, interventions et tables rondes animées par des experts de haut vol. Il y a quelques semaines, nous avons accueilli François Molins, procureur général près la Cour de cassation. À l’issue de la conférence, nous avons réalisé une vidéo qui synthétise les principaux éléments de sa présentation, notamment son expérience de la gestion de crise quand il était procureur, pendant les attentats de Paris. La vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux.

Vis ma vie de ….

Nous amenons des personnalités expertes très reconnues dans leur domaine et nous organisons aussi des visites de terrain. Ainsi, certains auditeurs peuvent passer 24h dans la peau d’un gardien de prison. Autre exemple, j’ai eu l’occasion d’accompagner un petit groupe d’auditeurs dans les carrières de Paris où des jeunes organisent des soirées clandestines et interdites. En compagnie d’une députée, auditrice de la session nationale, nous étions encadrés par une unité de Ktaflics, la police spécialisée dans la chasse aux cataphiles.

« Notre mission consiste à relier l’opérationnel à la recherche, le temps court au temps long et surtout à permettre le dialogue entre les cultures, les métiers, les institutions et les hommes. »

Un futur cycle de formation à la citoyenneté

Nous sommes en train de construire avec le préfet Pierre Lambert, un cycle de formation à la citoyenneté et à la laïcité qui sera lancé à la rentrée de septembre. Il s’agit d’un cycle de formation plus léger qui s’adressera aux élus, aux enseignants, à des responsables associatifs sur le thème de la citoyenneté au sens large.

Qu’est-ce que la République ; comment se prennent les décisions au niveau gouvernemental, comment se fabriquent une loi, un décret ; quel est le sens de la laïcité ; comment est gérée une collectivité locale ?

Seront également évoquées la citoyenneté dans les quar- tiers ainsi que les questions liées à la prévention de la délinquance. Cette formation répond à un besoin et le cycle durera une dizaine de jours de novembre à mai environ. Elle sera construite pour s’adresser à des élus et des professionnels intéressés par ces questions. Notre objectif est de construire une petite communauté de travail de 20 à 40 personnes, a n de répondre concrètement à des questions issues du terrain. Cette formation a vocation à s’enrichir de ce que les participants y apporteront comme questionnements mais aussi comme solutions.

Comment peut-on intégrer ces cycles de formations ?

Il s’agit de formations payantes auxquelles il faut postuler en envoyant un CV et une lettre de motivation. Il y a également un entretien de sélection afin de vérifier les candidatures, mais si les candidatures sont motivées et les candidats suffisamment charpentés afin de travailler dans les groupes de travail, là où se fait la mixité professionnelle entre le public et le privé, il n’y a pas de raison de les refuser.

Pour la prochaine session qui débutera en septembre, les inscriptions ont commencé et c’est le bon moment pour postuler jusqu’à la mi-juin ! En raison de la pandémie, nos cycles sont bien sûr accessibles en visio mais nous espérons très vite reprendre le tout présentiel.

Nous proposons aussi de nombreuses formations à la gestion de crise et à la prévention des risques. Chaque année, nous formons sur ces sujets tous les élèves de l’ENA, les nouveaux préfets, les nouveaux procureurs ainsi que la plupart des sous-préfets.

Existe-t-il des formations « sur mesure » ?

Nous pouvons en effet monter des formations sur mesure adaptées à des publics donnés. À l’École militaire, nous avons des plateaux de gestion de crise qui nous permettent de simuler des exercices de crise. Nous avons aussi une salle de média-training, pour apprendre à répondre aux journalistes, que nous utilisons notamment lors des modules de formation à la communication de gestion de crise.

Comment résumeriez-vous les missions de l’IHEMI ?

Nous croyons fortement au continuum sécurité/justice et notre mission consiste à relier l’opérationnel à la recherche, le temps court au temps long et surtout à permettre le dialogue entre les cultures, les métiers, les institutions et les hommes. C’est de plus en plus important dans le monde de défiance dans lequel nous vivons.

Evénement à venir : un colloque « Sécurité et ruralité » au Sénat

En collaboration avec l’Association des maires ruraux et sous le haut patronage de Gérard Larcher, président du Sénat, l’IHEMI organise le lundi 4 octobre 2021 au Palais du Luxembourg un colloque « Sécurité et ruralité » qui en fonction de la situation sanitaire pourra être à la fois en présentiel et en distanciel.

1. IHESJ : Institut des Hautes Études Sécurité et Justice.

2. CHEMI : Centre des Hautes Études du Ministère de l’Intérieur.

Télécharger l’interview d’Eric Freysselinard, directeur du nouvel Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur (IHEMI)