Numérique éducatif – Etat et collectivités esquissent des solutions moins coûteuses et plus égalitaires

Localtis / le Groupe Caisse des Dépôts 

Le 23 mars dernier, le ministère de l’Education nationale a annoncé travailler avec Orange pour élaborer des livres blancs devant permettre d’optimiser les coûts et les performances de l’accès au numérique dans les établissements. L’Assemblée des départements de France (ADF), de son côté, élabore son livre blanc à paraître vers la fin mai pour faire le bilan de l’engagement de ses membres au service de l’équipement numérique des collèges. Un constat affleure : il faudra changer de modèle pour garantir la pérennité de l’engagement des collectivités et l’égalité entre les élèves.

A la rentrée 2016, le numérique éducatif a fait parler de lui : nombreux sont les territoires qui n’ont pas lésiné pour équiper les établissements scolaires en tablettes. En Essonne, le département annonçait allouer plus de 6 millions d’euros à cette opération ; une priorité, pour un département dont la situation financière reste délicate. Du côté de Chelles, en Seine-et-Marne, la commune investit 1,5 millions d’euros pour l’équipement des classes : c’est autant qu’à Issy-les-Moulineaux, malgré des marges de manœuvre bien moindres.

Sortir du modèle de la tablette individuelle

Ces investissements sont d’autant plus coûteux, que le matériel informatique connaît une obsolescence rapide. Les collectivités entendent donc changer de méthode ; si l’achat de tablettes a pu constituer un acte fort en faveur du numérique, les départements et les communes vont désormais se tourner plus fréquemment vers des solutions économes, à l’image des classes mobiles et de la méthode BYOD (bring your own device), qui vise à intégrer l’équipement personnel des élèves à l’activité pédagogique. L’Assemblée des départements de France (ADF), qui travaille à un livre blanc en lien avec Klee Group depuis la fin 2016, va pousser aussi dans ce sens. L’association d’élus a partagé un questionnaire avec tous ses membres, pour les interroger sur l’avenir du numérique éducatif à cinq ans ; 55 réponses ont pour l’heure été recueillies. Il s’agit, notamment, de s’exprimer sur le rôle de l’Etat et la viabilité financière de l’engagement financier des collectivités. Parmi les huit cas d’usage mis en exergue dans ce livre blanc à venir, en Somme, Manche, ou encore Seine-Saint-Denis, la part belle sera faite aux méthodes alternatives à l’achat généralisé de tablettes individuelles. Ces solutions, le ministère des l’Education nationale les explore également de son côté. La version 2017 de l’appel à projets « Collèges numériques et innovation pédagogique » contient un volet « collège lab », qui permettra à certains établissements d’expérimenter le BYOD. Dans le cadre de son partenariat avec Orange, la rue de Grenelle a demandé à l’opérateur de se pencher sur les solutions techniques au service de ce dispositif. Autant dans le cas du BYOD que des classes mobiles, l’objectif est d’éviter les trop grandes disparités entre les classes et les élèves, en optimisant le partage des équipements et en concentrant l’achat de matériel sur les élèves qui en ont le plus besoin.

Ecole numérique, école inique ?

Assorti aux craintes sur la viabilité financière, se dresse le risque d’inégalités territoriales face au numérique éducatif. L’écart tend déjà à se creuser, entre les collectivités qui ont négocié le virage précocement et celles qui s’y initient à peine. Le différentiel de capacité d’investissement pèse également. « Nous sommes interrogatifs sur le rôle de l’État », avance Brice Rabaste, maire de Chelles, venu au selon des maires d’Ile-de-France pour s’exprimer sur l’innovation dans ses écoles. « On ne peut pas se contenter d’une situation où l’équipement numérique d’un élève dépendrait du potentiel fiscal de sa ville. » Emblématique, le cas d’Issy-les-Moulineaux, dont le maire André Santini témoignait aussi auprès de ses pairs de l’Amif : la ville, qui abrite de nombreux sièges sociaux d’entreprises technologiques, a digitalisé en profondeur l’ensemble de ses établissements et entretient un partenariat avec Microsoft. Un luxe hors de portée pour la majorité des communes.

Autre enjeu d’égalité, la connectivité. En dévoilant ses appels à projets pour les collèges il y a quelques mois, le ministère avait rajouté une enveloppe de 25 millions d’euros à destination d’établissements ruraux, pour remettre à niveau l’accès internet et créer des réseaux wifi. La ministre de l’Education nationale a également annoncé, le 8 mars dernier, le lancement prochain d’un appel à projets spécial à destination des écoles rurales. Orange va aussi plancher sur de nouvelles solutions fiables de connexion des écoles rurales à internet : 4G, satellite, fibre optique. Le haut débit est en effet le pré-requis de toute activité pédagogique numérique ; et les collectivités espèrent pouvoir l’obtenir à moindre coût, avec des offres mieux adaptées à leurs spécificités. Elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers des opérateurs alternatifs ou des groupes fermés d’utilisateurs (GFU), quand le ministère tente de dialoguer avec les principaux opérateurs pour offrir des prix mesurés.

Un modèle de gouvernance à préciser

Au cœur de ces enjeux, la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales. « La commune n’est pas censée exercer de compétence pédagogique, mais c’est tout de même à nous qu’il revient de choisir le type d’équipement et le modèle de tablette à déployer », observe Brice Rabaste. « La démarche serait peut-être plus cohérente, si les directives de l’État étaient plus précises quant au choix du matériel ». D’autres collectivités, au contraire, voient d’un bon œil cette complexification des rapports entre stratégie d’équipement et pédagogie. « Les établissements scolaires sont une brique des territoires apprenants », formule Jean-Pierre Quignaux, de l’ADF. « Les usages du numérique à la maison, les activités périscolaires et culturelles, sont autant d’enjeux que la collectivité est à même d’articuler avec l’école » ; de même que le cloud éducatif pourrait se révéler comme une brique des services numériques de la smart city.

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